« Teams » d’athlètes et sport au féminin

En préparation des JOP 2024, de nombreux partenaires du COJO ont construit des « teams » d’athlètes, en sorte des collectifs de soutien aux sportifs qui vont bénéficier d’un support financier et d’image de la part du mécène, dans le cadre des réglementations de défiscalisation promues par Thierry Braillard, secrétaire d’Etat aux sports en 2014.

Quasi-parité & accentuation de la représentation des sportifs paralympiques

En avril dernier, Le Monde avait publié un article qui décryptait ces teams et recensait alors 42% d’athlètes féminines parmi l’ensemble des sportifs soutenus. Au travers de ce soutien, on note plusieurs éléments :

  • Une quasi-absence logique des représentants des sports collectifs. Les parrains sont déjà engagés sur des sponsorings à destination des clubs, fédérations ou auprès du COJO ou CIO, et donc les athlètes du handball, volley-ball, basket-ball et football bénéficient « en théorie » déjà du support matériel ou financier pour leur accompagnement, préparation et entraînements à leurs compétitions.
  • Un accent particulier mis sur les athlètes paralympiques : Sanofi, Carrefour, BPCE, Brigestone
  • Une tendance à « l’intersectionnalité » en ce qui concerne soutien au sport féminin et soutien au handi-/para-sport, comme par exemple Cisco, dont la seule athlète soutenue est Pauline Deroulède, engagée en para-tennis.
  • Le recours aux « anciens », et en particulier anciennes, un levier certes de notoriété mais qui pourrait être analysé comme une relative facilité pour parvenir à une parité de chiffre.
  • La non-exclusivité, avec la présence par exemple de Clarisse Agbenennou à la fois aux teams EDF et Allianz, Pauline Deroulède, engagée avec Visa & LVMH ou Sarah Bee, accompagnée à la fois par Samsung et Carrefour.

source : https://www.carrefour.com/fr/news/paris2024cp

Engagement sincère vs sport-washing

Un autre aspect que l’on peut analyser à travers ces « teams » est l’authenticité de l’engagement de la marque envers les athlètes ou le sport. Ainsi, si on peut reconnaître la sincérité de la MAIF, de Carrefour, EDF, de la BPCE, car l’engagement est ancien, on peut en revanche exprimer des doutes manifestes sur le soutien accordé par LVMH à ses ambassadeurs. Parmi ceux-ci, les athlètes féminines sont 3 (sur 7) : Mélanie Jesus Dos Santos, Pauline Deroulède et Marie Patouillet. Si l’identité luxe « impose » le recours à des figures déjà connues et exposées, on constate le recours à deux athlètes paralympiques pour faire respecter une parité de façade. De plus, une fois le rideau baissé sur la vitrine exceptionnelle que représentent les JO dans la capitale du luxe qu’est Paris, on peut tout à fait anticiper que « la dynamique engagée depuis de nombreuses années par LVMH et ses Maisons en faveur du sport de haut niveau » subisse quelques remous, malgré les incitations fiscales généralement prisées par le géant de la mode et du luxe.

source : LVMH.com

Ces soupçons de « sport-washing » pèsent régulièrement sur les partenaires des GESI (Grands Evènements Sportifs Internationaux), même si les efforts menés sur le soutien aux sportifs sont de plus en plus valorisés de manière effective auprès des collaborateurs et à l’échelle des territoires. On pense là aux travaux de Jouny & Phanuel en ce qui concerne les PME. Pour les plus grands groupes, c’est une manière d’une part de mieux mettre en scène une marque employeur (Décathlon, RATP) et d’autre part mobiliser leurs actions dans les bilans RSO (handicap & parité).

Teams territoires – Le soutien des collectivités

A côté des teams de partenaires privés, il est important de noter la multiplication des teams « territoires » avec des engagements des départements, villes et régions envers leurs athlètes locaux. Ces soutiens viennent compléter les labellisations « Terre de Jeux » et participent à une mission de marketing territorial en mettant en valeur des ambassadeurs-acteurs, visages des succès des infrastructures développées ou co-financées par les collectivités publiques.

En effet, comme le rappelle la BPCE dans son étude sur l’économie du sport du 15 juillet dernier, ce sont les collectivités territoriales qui sont le premier financeur du sport, avec près de 14 milliards d’euros de dépenses.

Les teams territoires ne visent pas les mêmes enjeux que leurs homologues privées, et de fait on y trouve une meilleure parité : Bordeaux (11/23), Anjou (12/24), Loire (4/7), Bourgogne (33/66)… A noter que certains de ces collectifs ne forment pas des soutiens directs par la collectivité mais des mises en relations via les CCI pour du mécénat privé.

Les « teams » d’athlètes visent donc la mise en lumière des « valeurs » de chaque partenaire appliquées au sport et aux sportives. On constate néanmoins que ces soutiens ne font pas l’effet de volontarisme en ce qui concerne la parité et l’engagement au sport féminin, mais suivent de manière quasiment corrélée les notoriétés existantes. Ainsi les partenaires privés, en particulier les plus « gros » vont préférer capitaliser sur des images et des audiences de sportives déjà installées, et parfois en « unifiant les quotas » en pourvoyant un soutien à des sportives paralympiques plutôt que de soutenir deux athlètes.

Il reste donc de réels leviers pour la reconnaissance par les annonceurs du sport au féminin et des athlètes qui le font vivre.