“Cette énergie, là-haut, c’était de la confiance” : le Ventoux vu par Marie Patouillet

©Lilartprod (Lucas Chiotti)
Championne paralympique et championne du monde de paracyclisme, militante engagée contre les discriminations et ambassadrice d’un sport plus inclusif, Marie Patouillet a pris part à l’opération “Krys, l’ascension de la confiance” avec les Étoiles du Sport. Une journée hors norme, entre performance, partage et puissance collective, qu’elle nous raconte avec sincérité.
« J’avais été contactée par les Étoiles du Sport pour accompagner Marie-Jo Pérec, Sarah Ourahmoune et Nikola Karabatic pour monter le Mont Ventoux avec une quarantaine de de coureuses cyclistes amatrices. Et puis en arrivant à Avignon la veille, j’apprends que Krys a monté une équipe de 7 femmes pour réaliser l’entièreté de l’étape du Tour de France masculin qui avait lieu le lendemain de notre ascension, et qu’Audrey Cordon-Ragot et Marine Leleu sont dans l’équipe. Sachant notamment qu’Audrey est une athlète ayant participé aux Jeux Olympiques, ça a été assez évident pour moi qu’en tant qu’athlète paralympique, c’était important que j’aille enrichir la diversité de cette équipe. Pas forcément par le niveau, mais surtout par la représentation que je peux donner en tant qu’athlète handisport, en tant qu’athlète engagée sur des sujets de discrimination et en particulier contre le sexisme et les LGBT-phobies dans le sport. Et c’est vrai que ça faisait vraiment sens d’aller coûte que coûte rejoindre cette équipe.
Du coup avec seulement 3 heures de sommeil pour un départ à 3h30 du matin, je me suis retrouvée à parcourir ces 184 kilomètres avec elles, à discuter et à rencontrer chacune de ces sportives que je ne connaissais pas. Et l’ambiance a été extrêmement joyeuse malgré les 3 h de pluie au tout début de l’épreuve, malgré les 19 km d’ascension, ça a été vraiment un moment de partage. Hyper enrichissant et je dirais même nécessaire.
Ce que je retiens, c’est qu’entre sportifs de haut niveau, on ne se connaît pas assez.
Audrey et Marine, je les connaissais via leurs exploits, via leurs performances et il me manquait le contact humain et ce partage de valeurs parce qu’en 184 km, on s’est rendu compte qu’on avait quand même beaucoup de valeurs et de combats en commun. Et j’étais ravie de pouvoir en discuter avec elles sur le vélo. Mais ça a aussi mis en évidence le fait qu’il nous manque vraiment en France cette notion de collectif, inter-sports.
Ça m’a permis aussi de discuter avec des femmes qui font du vélo plus sur le mode amateur et loisirs et d’expérimenter leur joie de nous voir dans le peloton avec elles. Et de voir que peu importe où et comment on pratique notre sport, on a quelque chose à s’apporter mutuellement. Ça permet aussi en tant que sportif de haut niveau ayant un peu de visibilité de prendre conscience à quel point on peut inspirer et on peut déclencher des énergies et des pratiques chez des femmes, chez n’importe quelle personne. Et ça c’est important d’en avoir conscience, c’est important de l’expérimenter parce qu’en tant que femme, on a souvent cette question d’illégitimité, du syndrome de l’imposteure.
Prendre ainsi conscience de ce qu’on peut apporter, c’est précieux et c’est quelque chose qu’il faut faire fructifier, qu’il faut apprendre à raconter, construire et planifier. En ça, cette journée a été très enrichissante.
Dans la première partie, on a donc fait 160 km à 8 pour arriver au point de rendez-vous à l’heure à 10h00 au Pista Café, un super endroit au pied du Ventoux ! On a retrouvé tout le groupe avec des sportifs des Étoiles du Sport donc, Sébastien Foucras, Marie-Jo Pérec, Nikola Karabatic, Sarah Ourahmoune et une cinquantaine de cyclistes qui nous attendaient effectivement pour gravir le Mont Ventoux. Et on a fait cette ascension toutes et tous ensemble. J’ai donné quelques conseils techniques aux autres champions présents sur la meilleure manière de soulager les muscles en continuant toujours à pédaler. Niko m’a quand même impressionnée car avec son gabarit et sans entraînement, ce n’est pas du tout évident de monter un col hors catégorie. Mais tout le monde est allé au bout. Marie-Jo a été formidable et l’arrivée très émouvante.
Ce qu’il faut savoir c’est que gravir le Mont Ventoux surtout quand on est une femme, ça provoque une joie, une fierté assez incroyable parce que ça reste une montagne qui paraît insurmontable quand on est au pied de la de la montée.
Et ce qui a été génial avec ces sportifs des Étoiles du Sport que je côtoie régulièrement, c’est de voir la joie et la fierté qu’ils ont ressenties. Je trouve ça génial quand tu partages ton sport avec des sportifs de haut niveau qui ne pratiquent pas ce sport-là et qu’ils arrivent dans la difficulté malgré tout à ressentir cette sensation. Et j’ai envie de dire que cela a encore plus de valeur quand c’est ressenti par une femme.
Et pour les coureuses amatrices, c’était la même chose. En fait, je pense que Krys ne s’est pas trompé en appelant ça « l’ascension de la confiance ». Parce que là-haut, peu importe la difficulté qu’elles ont vécue et dû surmonter, l’énergie globale, c’était cette confiance-là qui avait été atteinte.
Pour nous les 8 ayant fait toute l’étape, quand nous nous sommes quittées, il y avait vraiment beaucoup d’émotion et tous les messages que nous avons échangés étaient vraiment chargés de gratitude et de remerciements les unes envers les autres. Donc beaucoup de sincérité et de vérité dans ce moment. L’énergie de base était vraie, sans ego, sincère et honnête.
Pour moi ce type d’opérations est plus que plus que nécessaire, surtout quand il est organisé au milieu du Tour de France masculin parce que lorsqu’on parle de représentation et d’espace occupé, on sait qu’en France le rapport est plutôt de 80/20. C’est donc important de pouvoir prendre cette place, de se montrer. On a eu l’occasion de monter sur le même podium de présentation des équipes, de nous exprimer au micro et d’avoir un circuit média qui nous a permis de compléter notre prise de paroles.
Est-ce que c’est suffisant ? Non. Mais Krys a au moins le mérite d’avoir organisé cette journée, d’en être fier et d’avoir réellement construit une stratégie de communication autour de cette opération. Donc, c’est à noter et à remercier, surtout maintenant. Et surtout à encourager pour qu’il y en ait d’autres avec Krys ou d’autres entreprises. Pour mettre en avant le sport féminin, en fait, il faut qu’il y ait une réelle collaboration entre le milieu de l’entreprise et les sportives. »
Crédits photos : @Lilartprod (Lucas Chiotti)