Google Pixel Bundesliga Frauen, évoluer pour revenir au sommet
Demi-finaliste du dernier Euro, l’Allemagne n’avait pas su atteindre les 8èmes de finale lors de la Coupe du Monde en 2023, une anomalie pour une sélection championne olympique, double championne du monde et octuple championne d’Europe. Dans le même temps, les équipes de clubs maintiennent une compétitivité relative, seulement représentée par le Vfl Wolfsburg, finaliste en 2022/23. Ancien symbole de la domination allemande en Europe, le FFC Turbine Postdam évolue d’ailleurs désormais en 2. Bundesliga, témoignant outre-Rhin également de l’évolution du paysage des équipes féminines de football, désormais quasi-intégralement occupé par les marques existantes du championnat masculin.
Cette situation de transition est également tangible sur le plan économique, un sujet sur lequel le professeur Dominik Schreyer, professeur à la WHU Otto Beisheim School of Management et au Center For Sports & Management, apporte son éclairage pour cette analyse sur la Google Pixel Bundesliga Frauen.
Un modèle économique en progression
D’après le rapport Money League Football publié par Deloitte, on compte 2 clubs allemands parmi les 15 plus riches d’Europe : l’Eintracht Francfort (6 M€) et le Bayern Munich (3,6 M€)*. Par rapport à la saison précédente, l’évolution des revenus de ces deux clubs est assez hétérogène : + 66% de croissance pour l’Eintracht, et seulement + 13% pour le Bayern.
Dans le détail, la croissance se ventile sur une progression nette des revenus partenariaux (+ 33%) et des revenus de droits TV (+ 1 M€). Les revenus matchday sont eux nécessairement fluctuants entre les deux forces du football allemand.
L’évolution des revenus de l’Eintracht et du Bayern reflètent fidèlement les orientations à l’échelle du championnat. En effet, sur le nouveau cycle entamé lors de la saison 23/24 et valable jusqu’à 2027, les droits TV domestiques ont atteint un montant 16 fois supérieur à l’accord précédent, soit 5,17 M€ par saison. Une manne dont profitent directement les clubs de l’élite, et à laquelle s’ajoutent les redistributions issues des parcours européens.
Sur le plan des revenus commerciaux, le championnat dispose depuis la saison 23/24 d’un namer grâce au partenariat conclu avec Google Pixel pour un montant d’environ 5,5 M€ par saison (soit 22 M€ sur la durée de l’accord, valable jusqu’en 2027). L’accord prévoit également une mise en avant sur les plateformes mobiles de Google, dont YouTube, ce qui contribue à la visibilité du championnat auprès des publics, un levier supplémentaire pour la prospection commerciale de chaque club.
Dominik Schreyer partage d’ailleurs cette analyse :
“Avec une portée et une attention croissantes de la société, la valeur du football féminin en tant qu’actif de sponsoring devrait croître de manière significative”.
Une croissance que les modèles de prospective de Two Circles estiment à quasiment 400% (de 36,9 M€ à 130 M€ entre 2026 et 2031).
Dans les stades, des affluences qui marquent le pas
Avec un nombre de matches premium réduit par rapport à la saison dernière, les affluences moyennes de la Bundesliga Frauen semblent dessiner un plateau. Sur l’ensemble de la saison, ce sont ainsi près de 25 000 spectateurs en moins qui ont assisté aux 132 matches. Une affluence globale qui affiche de très fortes disparités, “de 440 spectateurs à 36 000” rappelle Dominik Schreyer.
Une tendance stagnante voire baissière qu’explique facilement le chercheur : “la saison 23/24 avait vu 7 matches premium alors que la saison 24/25 n’en comptait que 5. L’exemple notable est celui du Bayern Munich qui organise la plupart de ses matches au Bayern Campus, un espace de 2500 places, quand des clubs comme Cologne ou Francfort parviennent à attirer de 5 000 à 5 700 supporters. Le Vfl Wolfsburg a attiré un peu plus de 4800 spectateurs sur cette saison, soit près du double de Munich.”
Mais l’expert se montre optimiste pour la saison à venir : “Bien que les recherches écartent des effets directs des Euros ou Coupes du Monde sur les affluences dans les stades des compétitions féminines, plusieurs facteurs présentent un caractère d’évolution positive. Premièrement, la promotion du HSV Hambourg, un club dont la base de supporters est très forte. Avec l’histoire du derby entre le Werder Bremen et Hambourg, le narratif offre une opportunité de fréquentation assez forte. Lors de la demi-finale de Pokal, le match entre les deux clubs avait attiré 57 000 spectateurs. Deuxièmement, et surtout, l’élargissement de la 1. Bundesliga à 14 équipes va mécaniquement augmenter la fréquentation totale. Parmi les équipes promues, l’Union Berlin est un très grand réservoir de supporters, qui a su fédérer près de 7 000 spectateurs en moyenne en 2. Bundesliga.”
Plus de spectateurs, et une fan-expérience améliorée ? Dans une publication récente, Dominik Schreyer semble accréditer cette idée, notamment grâce aux attributs et caractéristiques différentes des fans de Bundesliga Frauen : “Il existe un potentiel important pour transformer le produit et redéfinir son attractivité envers des cibles nouvelles et radicalement différentes”.
Les modèles de développement publiés par Two Circles et la DFB montrent en tout cas un potentiel de croissance exponentiel :
Sur les audiences TV, le championnat dispose d’une multi-diffusion, dont un quota assuré en FTA sur ARD et ZDF. L’intégralité des matches est disponible sur Magenta Sport et DAZN.
Sur les dernières saisons, l’audience moyenne a atteint 150 000 téléspectateurs, avec des pics à 1,5 million lors des matches premium. D’après Two Circles, la visibilité et les investissements de communication autour de la nouvelle affiche du lundi soir sur la chaîne Sport1, permettent d’envisager une hausse raisonnable des audiences moyennes, soit un scénario à 450k téléspectateurs en 2026/27.
Une gouvernance en mutation, fondée sur le modèle de l’intégration
Sur les 14 clubs qui constitueront la première division, seul 1 est 100% féminin et indépendant, le SGS Essen. A moindre mesure, le Karl Zeiss Iena, qui n’est pas 100% féminin, mais dont l’équipe masculine évolue à trop faible niveau par rapport à l’équipe fanion féminine.
Cette majorité de clubs intégrés, dont la relégation du Turbine Postdam est aussi le reflet, est similaire au modèle observé dans le reste de l’Europe, avec une orientation stratégique définie par la Fédération, qui diffère légèrement de la tendance à l’investissement extérieur autonome et priorise une gouvernance dédiée à des départements “Women’s Football”, dont des compétences commerciales dédiées, mais conformes à une intégration dans une société unique, sur l’exemple de l’Eintracht Francfort.
Les documents de prospective publiés par la Fédération évoquent de manière positive le découplage des offres commerciales pour les clubs, un découplage qui ne se retrouve pas dans le modèle de gouvernance fédéral, comme l’indique Dominik Schreyer : “l’ensemble des championnats féminins sont sous l’égide la Fédération (DFB), comme les championnats amateurs et jeunes, et contrairement aux deux premières divisions masculines, qui dépendent de la DFL”. Toutefois la globalité des joueuses évoluent sous le régime professionnel et disposent d’une rémunération (93%, dont 81% dont le salaire du football est la principale source de revenus).
Un modèle perfectible, que la DFB est disposée à faire évoluer dans le cadre de sa stratégie FF27 (Frauen Fussball 2027) afin de consolider la professionnalisation, alors que 62% des joueuses gagnent moins de 2920 € mensuels, pour une moyenne de 3500 € mais de fortes disparités selon les effectifs et les clubs. D’après Dominik Schreyer et différents documents consultés, les discussions existent pour l’établissement d’un salaire minimum, mais pas avant 2027 et un nouveau cycles de droits.
Même si les résultats européens semblent évoquer un recul, sur le plan de l’attractivité, le modèle allemand reste attractif pour les joueuses, à l’image de Kessya Bussy, l’attaquante internationale française du Paris FC qui vient de rejoindre Wolfsburg.
Sur les dernières fenêtres de transferts, on note une relative stagnation des transferts entrants et des transferts sortants. Une situation qu’il faut comparer aux championnats français et espagnols, pour lesquels les mouvements se font beaucoup plus dans le sens des départs.
Les projections d’avenir pour l’économie du championnat sont donc positives, avec une attractivité des sponsors, des médias et des joueuses en hausse, et une capacité à produire des narratifs pertinents pour attirer les publics dans les stades.
Une synergie de forces sur lesquelles peut s’appuyer la compétitivité sportive du football féminin allemand, dont le nouveau champion, le Bayern Munich, pourra bien être la vitrine et la locomotive.
* : l’étude menée par Deloitte n’a pas pris en compte le Vfl Wolfsburg, mais il est pertinent de le compter parmi les principales puissances économiques du continent).