Faire émerger le gisement de valeurs du sport féminin

À Bordeaux le 1er juillet se sont réunis une cinquantaine d’acteurs de l’écosystème du sport au féminin, bordelais et national, à l’occasion du premier RDV Business organisé par SportpowHER©.

En présence de 4 grands clubs (rugby, volley, handball et basket-ball), de championnes de renommée mondiale et d’entreprises et investisseurs du sport féminin, la matinée a mis en lumière les défis spécifiques auxquels fait face le modèle économique du sport féminin, mais surtout ses atouts, ses avantages concurrentiels pour conquérir des partenaires et poursuivre un développement dont on commence tout juste à mesurer l’ampleur et le potentiel.

L’ancrage territorial des clubs, soutien des collectivités et animation des publics 

La première table ronde traitait de l’état des lieux économique des clubs féminins, avec les témoignages de Marie-Laure Lafargue (Basket Landes), Patrick Laporte (Les Lionnes du Stade Bordelais), Valérie Pull (Les Burdis – Volley Mérignac) et Laurent Marronneaud (Mérignac Handball).

Une situation mitigée, où la performance sportive reste tributaire de la bonne santé financière des clubs, à l’image de Mérignac Handball, sanctionné par les instances de contrôle d’une relégation administrative.

Sur le plan du budget, les 4 clubs témoignent du même impératif, l’impulsion de la collectivité territoriale. De la ville à la Région, les collectivités sont les premiers financeurs des clubs grâce à la subvention et aux prestations d’achats réalisées pour animer le tissu territorial. Ce sont également les interlocuteurs essentiels pour les clubs afin qu’ils disposent des infrastructures nécessaires à la fois à leur performance et aussi à leur développement.

Pour attirer des partenaires, les clubs souffrent “d’un plafond de verre pour la visibilité médiatique”. Ils sont donc contraints d’imaginer d’autres services à proposer aux partenaires, en racontant d’autres histoires. En parvenant à convaincre les investisseurs du spectacle sportif féminin (“je suis venu voir un match de handball féminin, je ne suis plus ressorti de la salle” rappelle Laurent Marronneaud), la capacité à les associer à une histoire et des valeurs communes est une opportunité pour faire croître les engagements des partenaires.

Valérie Pull, Directrice Générale des Burdis, évoque son propre fonctionnement : amener ses prospects au Palais des Sports, casser les préjugés en leur faisant prendre conscience de la qualité du spectacle et des émotions véhiculées (“ça joue super bien pour des filles”) et ainsi les emmener dans la co-construction des ressources. Avec une forte proportion d’apport “en nature” de la part des partenaires des Burdis, le club de Saforelle Power 6 insiste sur la prochaine étape de structuration : améliorer encore le produit en développant des partenariats “in-cash”. Patrick Laporte abonde : les ressources sont fondamentales pour “créer les conditions d’entraînement optimales de la sportive de haut niveau”. Et “les entreprises doivent être au cœur de l’écosystème”.

Cette amélioration du produit sportif et  du spectacle proposé sera un atout dans la négociation avec les diffuseurs. Burdis, Mérignac et Basket-Landes témoignent de la contrainte actuelle “d’acheter la visibilité” auprès du diffuseur (Sport En France). Avec un produit retravaillé, tant sur la performance que sur son story-telling, les clubs se donnent pour objectif que les coûts de production soient pris en charge par le diffuseur. Ainsi, quand la ligue parvient à engager ensuite des partenaires nationaux, notamment dans le cadre de contrats de naming (Saforelle, La Boulangère, Butagaz) les recettes sont directement réinvesties dans la consolidation des modèles économiques de chaque club.

Par ailleurs,  Patrick Laporte insiste sur les pistes de mutualisation et d’économies d’échelle évoquant le doublonnement des affiches (“double-header”) entre les compétitions masculines et féminines, à l’image du modèle érigé cette année par Canal + pour le rugby entre Top 14 et Elite 1. Cette réussite est le fruit de la coopération entre les clubs, la ligue professionnelle (masculine) et la Fédération pour aligner les calendriers.

Les championnes : « connaître sa valeur pour être reconnues pour sa valeur » 

Quand Marie Patouillet, championne paralympique à Paris 2024, entre sur un vélodrome accompagnée par les marques qui la soutiennent, dont LVMH et Accor, “c’est un sentiment de puissance incroyable”. Une puissance qu’elle a cultivée et développée au travers de tous les combats menés pour parvenir à simplement “trouver sa place dans le monde sportif et ensuite dans le monde économique”.

Pour la championne, il est nécessaire d’éduquer les sportives à connaître leur propre valeur pour être reconnue selon celle-ci (“à palmarès égal, un homme signe encore trop souvent un chèque très supérieur à celui signé par une femme”), mais aussi pour briser les freins à la prise de parole. En rappelant que pour parvenir au plus haut niveau, les championnes doivent franchir davantage d’obstacles que les hommes, elle adresse un sujet qui résonne en entreprise. 

“Se faire connaître, se raconter pour que les gens aient conscience de la valeur qu’on a en tant que femme, sportive et athlète de haut niveau.”

Chaque sportive peut porter un discours, une histoire qui lui est propre, en “restant en phase avec ses valeurs et ses identités”. Une conviction également exprimée par Lou Mechiche, championne du monde de para-surf, malvoyante : elle a débuté son histoire avec le surf pour retrouver de la liberté alors qu’elle était contrainte par son parcours médical. Dans ses prises de parole, elle parle de  la résilience et de la richesse constituée par les différences.  Adeline Audigier, quant à elle, porte le le projet du décathlon et la conviction que personne ne doit décider à la place des femmes de ce dont elles sont capables.

Pour Ariane Van Ghelue, double championne de France de rugby avec les Lionnes et désormais Vice-Présidente à la Fédération Française de Rugby en charge du Haut Niveau Féminin, la coopération entre championnes, clubs et entreprises doit être la plus large possible. “Le sport féminin est à un point de bascule en termes de moyens alloués. Il est nécessaire de travailler ensemble pour produire des résultats plus importants” et créer de la valeur ensemble. 

Ariane Van Ghelue insiste aussi  sur l’importance de sécuriser les sportives de haut niveau en créant un cadre favorable à leur épanouissement sportif, professionnel et personnel. Salariée à temps plein dans le private equity lorsqu’elle évoluait au Stade Bordelais, elle avait initié une convention tripartite lui permettant de dégager 12 heures hebdomadaires pour s’entraîner, en appliquant un modèle de mécénat de compétences également intéressant pour l’employeur. Ariane y voit un enjeu clé de santé mentale, la sphère professionnelle offrant un espace de socialisation précieux, « comme le troisième pied du tabouret » assurant l’équilibre des championnes..

Ces quatre sportives, aux parcours variés, révèlent un immense gisement de valeur, à la fois économique et sociétale. Construire des partenariats autour de leurs histoires, c’est promouvoir l’émancipation, le leadership et le développement de compétences. Mais ce potentiel doit être identifié et valorisé par l’action conjointe des championnes, des clubs, des collectivités et des entreprises.

Quels bénéfices pour les marques partenaires et investisseurs ?

Depuis quatre ans, la Banque Palatine développe le Palatine Women Project, un programme d’incubation qui accompagne les athlètes et para-athlètes féminines dans leurs projets entrepreneuriaux. Cet engagement reflète la stratégie de la banque, qui place ses priorités et ses valeurs avant les seuls objectifs d’image. Il suscite une forte adhésion des collaborateurs et renforce la marque employeur, illustrée par une stricte parité à tous les niveaux hiérarchiques. Pour Thierry Tronchon, directeur du Réseau à la Banque Palatine,  les objectifs d’image ne sont pas la priorité. , le partenaire certifie d’autant mieux sa conviction et la sincérité de l’engagement.

Pour Aésio Mutuelle, le partenariat dans le sport féminin, notamment avec Basket Landes et les Burdis, est l’occasion de mettre en avant le sujet de la santé des femmes, l’un des 3 piliers de l’action du groupe. Ainsi, la mutuelle et son réseau local animé par Marie Lesage-Riquelmé, chargée de la vie mutualiste territoriale, organisent avec leurs partenaires sportifs des ateliers spécifiques : sur l’endométriose avec les Burdis, sur la charge mentale et le poids de l’échec avec Basket Landes. Des ateliers ouverts au public qui permettent de légitimer les engagements d’Aésio et qui sont un terrain privilégié de contact avec clients et prospects.

Créer les connexions entre les clubs, les championnes et les investisseurs du sport féminin

Aujourd’hui, le sponsoring sportif féminin est l’objet de partenaires pionniers, qui développent des stratégies et des discours novateurs : “les sportives ont des discours et un langage différents des sportifs” rappelle Arielle Plazza, anciennement adjointe en charge des sports de la Mairie de Bordeaux. Il faut désormais embarquer un nombre croissant de ces entreprises, et Thierry Tronchon explique essayer d’initier les autres acteurs. Pour initier, il est donc impératif d’avoir des éléments tangibles de conviction, et partager les indicateurs économiques clairs, des “KPI” qui permettent de montrer les bonnes pratiques et les exemples de succès.

Ariane Van Ghelue rappelle avec conviction le triple potentiel de création de valeur pour les entreprises qui “décident d’investir : potentiel médiatique en termes de visibilité, potentiel d’image vertueuse, et potentiel de collaboration avec les femmes qui font du sport à haut niveau, grâce leurs témoignages de résilience qui font écho aux besoins des entreprises

Avec une histoire qui a débuté il y a 50 ans, le sport féminin français n’en est qu’à son adolescence et attire déjà des millions de spectateurs et de fans sur tous les terrains et sur tous les réseaux. Aujourd’hui, la demande est claire et l’intérêt puissant. Le public adhère en masse aux valeurs des championnes et des clubs, à leurs histoires. Pour les entreprises, se connecter à ces histoires est désormais un enjeu stratégique et une opportunité unique de s’associer à ce secteur en forte croissance et à fort impact. 

Merignac Handball repart des RDV Business SportpowHER© avec deux opportunités de partenariats, les dirigeants des 4 clubs avec l’envie de partager plus de bonnes pratiques et les entreprises avec des éléments de réflexion et d’avantage pour certaines et notamment celles désormais en contact avec Merignac Handball !