À quelques jours du départ de la Transat Café L’Or (départ de l’édition 2025 du Havre dimanche 26 octobre à 14h15 pour les Ocean Fifty), Audrey Ogereau s’apprête à vivre une nouvelle étape de son projet en Ocean Fifty avec Erwan Le Roux. Ingénieure en mécanique de formation, passée par la filière olympique et la Coupe de l’America, elle s’inscrit dans une trajectoire pensée sur trois ans : transmission, performance mixte et montée en puissance vers la Route du Rhum 2026 (en solo).
Un entretien SportpowHER qui explore la construction d’un modèle de performance durable, entre transmission, mixité et management d’équipe de haut niveau.
Transmission et mixité : deux leviers de performance
Le projet qu’Audrey Ogereau partage avec Erwan Le Roux s’est structuré autour d’une double dynamique : la transmission et la mixité au service d’une ambition sportive. « On a réellement démarré en 2023 avec Erwan Le Roux. Très vite, l’horizon 2026 s’est imposé. Il y a deux axes : la transmission et la mixité. Dans notre sport, la mixité est très bénéfique — et je pense que c’est vrai dans beaucoup de domaines. » Cette complémentarité se vit au quotidien à bord : « nos cerveaux ne fonctionnent pas de la même manière, et ça se voit clairement dans la façon dont on prend des décisions à bord. On ne réagit pas de la même façon face à la pression ou à un imprévu, et c’est ce mélange-là qui fait notre force. Parfois, je vais voir une option qu’Erwan n’aurait pas envisagée, parfois c’est l’inverse, et au final on décide mieux.»
Ingénieure en mécanique, Audrey a toujours évolué dans des environnements masculins. Elle y a appris que la diversité des points de vue n’est pas une contrainte mais un moteur. « En tant que seule femme au sein d’équipes masculines, dès que j’affirme mon point de vue, le champ de vision s’élargit et la décision s’améliore. Associer des points de vue différents, c’est ce qui rend les décisions plus pertinentes. C’est valable dans notre duo comme dans les équipes plus larges ».
«Erwan apporte sa rigueur, sa maîtrise technique et sa lecture de la mer. De mon côté, j’apporte à la fois ma spontanéité et ma capacité à insérer du doute constructif. Cela fonctionne bien, et cela valorise aussi la complémentarité de nos cerveaux masculin et féminin», résume Audrey Ogereau. Ensemble, ils traduisent une conviction forte : la mixité n’est pas une ouverture symbolique, mais un véritable moteur de performance.
Koesio : un partenaire aligné sur la mixité
Cette conviction résonne avec celle du partenaire principal du projet, Koesio, entreprise spécialisée dans les services numériques B2B. Dans un secteur où les femmes sont encore minoritaires, la marque a choisi d’incarner ce changement aux côtés du duo. « Koesio se reconnaît pleinement dans cette démarche. À travers notre partenariat et l’image que je porte, ils veulent montrer que des milieux perçus comme masculins sont totalement accessibles aux femmes, en faisant le parallèle entre voile et numérique. Ils sont à 100 % engagés à mes côtés pour la Route du Rhum 2026 en Ocean Fifty. »
Depuis 2023, le projet est un véritable modèle de progression. Aujourd’hui l’une des rares navigatrices engagées sur un multicoque océanique, Audrey Ogereau a su transformer son profil d’ingénieure mécanique en atout de précision et d’analyse. « Dans notre projet avec Erwan, il y a un volet transmission fort. Je viens de la filière olympique (courses à la journée), donc j’ai beaucoup à apprendre sur la course au large : météo, sommeil, gestion à bord, intensité à maintenir sur une course longue. »
Les priorités sont bien établies. Audrey Ogereau se focalise sur sa montée en compétences sportives alors qu’Erwan Le Roux (notamment double vainqueur de la Route du Rhum) pilote l’entreprise. « De mon côté, je participe aux recrutements et je suis de plus en plus impliquée dans la recherche de partenaires : pour 2026, c’est mon image qui est engagée, donc c’est nécessaire que je sois en première ligne. »
La démarche initiée par Erwan Le Roux et soutenue par Koesio est globale. Audrey Ogereau prend toute sa place dans le projet sportif et entrepreneurial.
« Je vois ce projet comme une montée en puissance : aujourd’hui j’apprends, en 2026 je prends le départ de la Route du Rhum, et en 2030 j’espère être à la tête de mon propre bateau. C’est comme construire une entreprise : étape par étape, avec une vision claire.»
Un projet économiquement exigeant dans un environnement qui devient plus ouvert
Audrey Ogereau connaît bien les enjeux économiques de cette ambition. « Un projet gagnant, c’est environ 1,3 M € par an. Nous continuons à chercher des partenaires pour atteindre ce budget, d’où mon implication commerciale. Ce budget inclut la location du bateau.
Nos “clients”, ce sont nos sponsors. Notre chiffre d’affaires vient exclusivement du sponsoring. La logique de gestion, la création de valeur, la relation client – tout ressemble à une entreprise. Il y a un pourcentage de risque de perte d’une partie du bateau sur une transat, de l’ordre de 10 %. Nos bateaux, qui valent à peu près 3,5 m€, ne sont pas assurés. En général, la société qui détient le bateau associe le skipper pour partager ce risque. De mon côté, je ne suis pas encore associée, mais l’objectif est clair : prendre le départ de la Route du Rhum 2026 sous la tutelle d’Erwan, consolider le sponsoring, puis reprendre le bateau pour viser 2030. C’est le Plan A : devenir pleinement propriétaire du projet. Je suis dans une démarche entrepreneuriale et je construis mon parcours et mon expérience pour atteindre les objectifs.»
Pour attirer des partenaires, la classe Ocean Fifty a innové. « Sur les Ocean Fifty Series, chaque team embarque quatre invité·es en course. C’est une expérience immersive unique, très valorisante pour les sponsors et leurs clients. C’est plus marquant qu’une vidéo : on partage vraiment ce qu’on vit. L’impact est fort et ça fait rêver les équipes. »
Si la course au large reste un sport extrême, elle s’ouvre peu à peu. Audrey Ogereau constate une évolution culturelle plus que réglementaire : «Le monde s’ouvre. Les femmes veulent leur place dans des milieux masculins (et réciproquement). En voile, certaines courses imposent une femme à bord ou un équipage mixte, ce qui donne de l’expérience pour intégrer ensuite des épreuves open. Nous sommes de plus en plus nombreuses à nous dire : c’est possible.»
Désormais, Audrey Ogereau est totalement engagée sur le projet. « La voile, c’est ma passion. J’ai suivi un parcours d’ingénieure parce que j’aimais ça, mais je pensais que vivre de la voile serait précaire. Avec le Team Koesio, c’est devenu possible. Et c’est du plein temps car le bateau est sur l’eau environ 150 jours par an, plus le chantier et les déplacements. L’an dernier, j’avais un double programme avec la Coupe de l’America. Cette année, je suis engagée exclusivement sur le projet Koesio avec Erwan, avec la perspective de la Route du Rhum 2026.»
Si Audrey Ogereau trace aujourd’hui sa voie vers la Route du Rhum 2026, c’est aussi parce qu’Erwan Le Roux a choisi d’ouvrir son projet à une démarche de transmission et de mixité, totalement alignée avec les convictions et valeurs du partenaire principal, Koesio. Ensemble, ils dessinent une trajectoire qui dépasse la performance sportive. Un projet de confiance et de progression partagée, où la mixité devient un levier de transformation concrète — sur l’eau comme dans l’entreprise.
