Neptunes de Nantes: mais pourquoi le hand féminin est-il si fragile ?

La terrible nouvelle de la liquidation de la SAS Neptunes, le 31 juillet dernier, fait de tristes échos à la disparition en pleine saison 2022/23 du Fleury Handball et du club de Bourg-de-Péage, liquidés respectivement en novembre 2022 et février 2023.

Avec la faillite d’un troisième club professionnel en 1 saison et demie, c’est forcément tout le modèle économique du handball au féminin qui doit être interrogé, Tentative de description.

Le poids des subventions dans les budgets

En 2021, l’ANDES et le CDES avaient publié un rapport décrivant le « Financement public du sport professionnel » (dont une annexe d’actualisation a été publiée pour la saison 22/23). Ce rapport montre la proéminence du financement par les collectivités territoriales du sport au féminin, avec 100% des clubs subventionnés. Le handball féminin n’apparaissant pas dans l’étude de 2021, on peut néanmoins établir des rapprochements avec les données du basket et du volley (selon la classification commune « BHV » des sports collectifs en salle) et en s’appuyant sur le rapport CNCG 2022, on démontre une part de subvention moyenne entre 30 et 40% du budget opérationnel des clubs.

Selon les données recueillies par HandNews, les budgets des clubs de Ligue Butagaz sont estimés en moyenne à 2,3 M€ pour la saison 23/24, avec une masse salariale en moyenne à 1,5 M€ (65,2%). Le club des Neptunes affichait un budget à 4,1 M€, dont une part de subventions versées par la métropole de Nantes (donc hors achat de prestations) à 285 750 € (6,96%) et 68 000 € par le Conseil Général (données 2022). Soit un total de 8,62% d’apport dans le budget du club (hors financements de la région). Pour comparaison, avec un budget équivalent (4,3 M€), la subvention accordée par la Ville de Metz s’élève à près de 500 000 €, mais la structure actionnariale est différente, avec une participation de la métropole plus prépondérante chez les Dragonnes (source : travail de recherche 2023). On comprend dès lors déjà une faiblesse structurelle du handball féminin (et par extension tout le sport au féminin) avec une exposition à la compression des crédits accordés par les collectivités territoriales. Dans un contexte de contraction de la dépense publique, les déséquilibres budgétaires sont plus probables, et les structures féminines sont toujours les plus vulnérables par rapport aux structures de garçons.

Des modes de gouvernance hétérogènes

C’est un autre point qui fragilise l’écosystème du handball féminin, avec des SAS ou SASP aux profils très disparates.

On constate en effet qu’entre les SAS « privées » (BBH, Neptunes, JDA*), les AS ayant formé une section professionnelle, et les sociétés mixtes (opérateur public-privé), les clubs ne sont pas dirigés avec les mêmes niveaux d’expérience, compétence et objectifs quant au sport professionnel. De plus, si l’on catégorise les secteurs d’activité des présidents ou actionnaires principaux, il y a d’une part une forte hétérogénéité, et d’autre part une (relative) déconnexion face aux tendances macro-économiques du soutien au sport féminin :

Les sponsorings équipementiers à part (« apparel »), on observe ainsi que pour les clubs non-soutenus fortement (massivement) par les collectivités, ceux qui de bénéficient pas de partenariats issus des secteurs bancaires/financiers, industriels ou santé/assurance sont potentiellement plus en difficulté en cas de retournement conjoncturel. Ce qui est le cas des Neptunes, soutenus par un promoteur immobilier, Réalités, qui s’est retrouvé englué dans la crise de demande actuelle.

Un essor économique contraint

Le handball féminin n’a pas la même exposition médiatique que son homologue à la balle orange, malgré une équipe de France multi-médaillée. De fait, alors que la Boulangère Wonder Ligue fait l’objet d’accords de diffusion avec Skweek et France TV), la Ligue Butagaz Energie n’a retrouvé des diffuseurs « externes » (BeIn) que cette saison, après avoir dû opérer via sa propre plateforme Handball TV et l’opérateur du CNOSF Sport En France. Malgré un modèle à abonnement, la redistribution économique et donc la croissance ont nécessairement été plus contraintes.

Mais les parcours olympiques des Bleues (Tokyo, Paris?) et les figures médiatiques de joueuses phares peuvent permettre un engouement nouveau, associé à un travail de digitalisation entamée par la LFH sur les médias sociaux, à l’instar de la ligue masculine.

Le dernier frein et donc la dernière faiblesse structurelle du handball féminin réside dans la disponibilité et l’exploitation des infrastructures, avec une différence nette de capacité d’accueil entre les clubs masculins et féminins. Ainsi, faute de données disponibles à la rédaction de cet article, on s’appuiera sur une comparaison entre le record historique d’affluence pour un match de LBE, établi la saison dernière entre les Piraths et les Dragonnes, à 5614 spectateurs. Contre une moyenne d’affluence à 6458 pour l’équipe masculine nantaise du HBC, 4044 à Chambéry, et une pointe à 14 840 pour le ParisSaint-Germain. Les recettes de billetterie représentent ainsi structurellement moins de 15% des produits d’exploitation des clubs de Ligue Butagaz Energie.

Le handball féminin est donc structurellement précaire et dépendant des collectivités territoriales, malgré une vitalité sportive indéniable. La liquidation des Neptunes, qui fait suite à un été 2023 déjà compliqué n’est malheureusement que la partie visible d’un iceberg constitué également par les clubs de D2F, encore plus fragiles dans des écosystèmes souvent non-métropolitains. Car c’est la dernière difficulté du handball féminin, dont les clubs sont souvent peu adossés à des bassins démographiques forts et bénéficient donc de maillages territoriaux moins denses.