Wonder Ligue La Boulangère : le pari économique réussi

Qualifiées en demi-finale olympique, les Bleues de l’équipe de France de basket séduisent spectateurs et observateurs. Et si elles partagent avec leurs homologues coéquipiers d’Evan Fournier et Victor Wembanyama le même parcours olympique, la sélection de Jean-Aimé Toupane possède une caractéristique inimaginable chez les garçons. En effet, 14 des 18 joueuses retenues jouent en France, en Wonder Ligue La Boulangère (2 de leurs adversaires du jour aussi, ndlr). Intéressons-nous donc aux facteurs de compétitivité du championnat de France.

Une structure économique stable et une gouvernance saine

La LFB a été créée en 1998 afin de « favoriser le développement de la pratique du basket féminin, notamment son haut niveau » en structurant la pratique au niveau professionnel, une première en France pour le sport collectif féminin. Son modèle de fonctionnement, basé sur la mutualisation et la redistribution, permet le développement cohérent et collectif des clubs qui la composent.

Dépenses & Recettes LFB – 2008

Chaque club contribue à hauteur environ de 0,5% de sa masse salariale, soit à calcul constant 105 000 € de cotisations totales en 2023. En retour, les recettes extérieures cumulées par la Ligue (dont le naming par La Boulangère) sont redistribuées aux clubs, à hauteur de 30% environ.

Depuis 2012, la LFB a également mis en place la constitution obligatoire d’un fonds de réserve à hauteur de 10% des produits d’exploitation du club. Ce fonds offre une sécurité aux clubs et leurs parties prenantes (joueuses en particulier) en cas de conjoncture économique négative, et permet la continuité de la saison avant relégation administrative. Ces fonds propres sont évalués à environ 345 000 €, en moyenne sur l’ensemble des 12 clubs engagés en 2023/24.

Ainsi, s’il n’exclut pas de défaillance (rétrogradation administrative et financière du Tarbes Gespe Bigorre), le modèle permet la pérennité des clubs dans leur dynamique sportive et territoriale (22 budgets clubs validés par la Commission de Gestion sur 23 engagés en LFB et LF2).

L’engouement des spectateurs en croissance

C’est un fait mondial, le sport au féminin gagne en engouement. Les records d’affluence se multiplient, et en basket féminin, c’est le club de Basket Landes qui le détient depuis le 24 mars de cette saison, avec 8069 spectateurs lors de la rencontre qui l’a opposé à Tarbes. L’affluence moyenne en 23/24 était de 1909 spectateurs, contre 1901 la saison dernière, mais surtout 1200 en 2008, soit une augmentation de la fréquentation des salles de près de 60% entre 2008 et 2024, pour un taux de remplissage qui se stabilise à 71%.

Mécaniquement, les recettes de billetterie et « jour de match » augmentent (malgré quelques disparités), entraînant avec

Un très fort ancrage partenarial, gage d’autonomie vis-à-vis des collectivités

La hausse des recettes spectateurs en valeur absolue est pourtant « masquée » par la forte hausse des revenus en partenariats et mécénats, qui constituent désormais 55% en moyenne des produits d’exploitation des clubs, Une croissance continue, du fait de la pérennité du très haut niveau français et de son image très positive.

Avec 2,4 millions d’euros en moyenne, les clubs de la Wonder Ligue La Boulangère forment la ligue féminine professionnelle française la plus puissante avec le pourtant plus médiatisée Ligue de Football Féminin Professionnel.

Estimations 2016/2017 – La croissance soutenue de la D1 Arkema depuis a renversé cette hiérarchie

Cette augmentation des ressources permet directement aux joueuses d’obtenir des rémunérations compétitives, avec des salaires estimés en 2023/24 à 6300 € bruts mensuels, contre 4900 € en 2008 (+ 28,6%).

Capacité, fan expérience et droits TV, les prochains leviers

Fort d’une popularité croissante, le basket professionnel féminin français voit donc ses ressources augmenter, au même rythme que ses affluences. Les records battus, malgré des taux de remplissage moyens perfectibles (71% sur l’ensemble des clubs), laissent les dirigeants imaginer de nouvelles infrastructures. A l’exemple du Basket Landes (capacité actuelle 2500), ou de l’ASVEL Lyon Féminin (capacité actuelle 1400), les équipes vont investir des équipements mieux dimensionnés et répondant à des contraintes plus modernes. L’équipe landaise rejoignant les Arènes de Mont-de-Marsan pour 8000 places dès 2025, pendant que les lyonnaises se dirigeront vers le Palais des Sports qui sera configuré à 3000 places.

Au delà de la seule question de la capacité, c’est le vieillissement des infrastructures qui est contesté et la modernisation des équipements vers la restauration, la connexion et une meilleure expérience d’hospitalité tant pour les spectateurs-supporters que pour les partenaires & mécènes.

Quant aux droits TV, ils sont encore inexistants en Wonder Ligue, malgré une diffusion de certaines affiches sur la chaîne du CNSOF (désormais hébergée sur Canal) et ponctuellement par France 3 Régions (playoffs). La chaîne YouTube de la FFBB diffuse la majorité des matches de la saison, dans un modèle de gratuité répandu pour le sport au féminin. C’est donc un levier de croissance supplémentaire pour le basket féminin français, qui va devoir répondre à la concurrence de la WNBA pour les meilleures joueuses françaises, mais aussi de la vitalité intemporelle du basket turc, la restructuration du basket balte ou l’ouverture de l’EuroCup à de nouveaux marchés émergents (Portugal, Belgique, Grande-Bretagne).