Wilma, la marque qui roule pour les femmes : quand la technologie rencontre l’intime
Des équipements créés par des femmes pour des femmes. C’est le défi que relève la marque française Wilma, « vestiaire outdoor pour femmes sportives » aux valeurs et aux messages puissants, dont nous avons rencontrée la fondatrice, Céline Champonnet.
Quand Céline Champonnet se met au vélo, elle découvre bien plus qu’un sport. Elle découvre une sensation de liberté, une forme de puissance, une reconnexion à soi. Mais elle découvre aussi une faille : l’absence criante de vêtements techniques adaptés aux corps féminins. À l’époque, “soit on mettait les cuissards des copains, soit on trouvait du rose avec des fleurs, soit… rien”.
De cette frustration est née une ambition : inventer une marque qui n’existait pas encore. Wilma, du nom de l’athlète Wilma Rudolph, triple championne olympique et pionnière de la cause des femmes dans le sport, incarne un projet autant textile que sociétal. Avec une conviction forte : le bon équipement, pensé pour les femmes, peut transformer leur expérience sportive et les aider à libérer leur potentiel.
De l’intuition au marché : un besoin systémique
À l’origine, Céline ne voulait créer qu’un produit : un cuissard menstruel. Une réponse directe à une question simple mais ignorée : « qu’est-ce qu’on fait quand on a nos règles sur un vélo ? » Elle imagine alors un mono-produit utile, accessible, discret. Mais en interrogeant plus de 100 femmes, toutes disciplines confondues, elle prend conscience de l’ampleur du besoin. “Ce qui revenait, c’était : on fait avec ce qu’on trouve, on n’est pas hyper contentes, mais on veut rouler, alors on y va”.
Ce retour d’expérience révèle aussi un désamour profond pour les marques : peu de lien émotionnel, aucune fierté à porter leurs produits. “Quand tu démarres un sport, tu as envie de te sentir bien dans ce que tu portes, de te dépasser. Mais là, il n’y avait pas de projection possible”. Céline décide alors de créer une marque complète, avec un univers, une esthétique, une utilité.
En 2020, Wilma voit le jour. Le premier crowdfunding dépasse de 189 % l’objectif initial. Le marché est là. Et surtout : les femmes répondent présentes.
Deux innovations mondiales et une vision long terme
Wilma ne se contente pas de suivre la tendance. La marque développe ses propres innovations, issues de longs mois de recherche et développement.
La première, en 2022, Bloody Queen, est une technologie menstruelle intégrée à un cuissard. “L’objectif, c’était de créer un produit que tu peux oublier, même pendant tes règles. Pas une éponge qui déborde, pas une douleur en plus.”
La seconde, quelques mois plus tard, Wild, est la première peau de chamois amovible et interchangeable. Pensée pour les longues distances et le bikepacking, elle permet de rester propre et confortable, même plusieurs jours d’affilée. À chaque fois, le même objectif : “créer un vêtement que tu peux enfiler et ne plus sentir.”
En parallèle, Wilma se développe désormais sur le running, avec une première capsule sold out dès son lancement et une nouvelle innovation en préparation.
Valider la performance, incarner l’émotion
Si Wilma n’équipe pas encore les équipes professionnelles, verrouillées par des contrats équipementiers, la marque s’impose dans les milieux de l’ultra-distance. Des athlètes comme Avril Laheurte, victorieuse des 2500 km de la RAF (Race Across France), ont validé l’efficacité des produits « dans les pires conditions », comme le dit Céline.
“Ces filles, je ne pourrai jamais faire ce qu’elles font. Mais si elles valident le produit, alors tu sais qu’il est bon.”
Mais la performance n’est qu’une partie de l’histoire. Ce qui anime Wilma, c’est d’abord l’expérience vécue par chaque femme. “No matter the distance, la baseline de la marque, c’est l’idée que peu importe ton niveau, ton objectif, ton âge ou ton poids, ce qui compte c’est ce que tu ressens. Cette émotion, quand tu prends confiance, quand tu te dépasses, elle est universelle.”
Nike et la dynamique du marché
Le marché change, et les signaux sont là. Le retour de Nike dans le cyclisme, avec des athlètes comme Demi Vollering et des partenariats lifestyle, confirme une chose : le segment est en train de devenir stratégique. “Je trouve ça génial. Si Nike revient dans le vélo, c’est que le marché existe vraiment. Et surtout, ils ont ce pouvoir d’inspirer les jeunes générations. Ça peut faire rêver des petites filles.”
Loin de s’inquiéter de la concurrence, Céline y voit une émulation bienvenue : “on ne porte jamais une seule marque dans sa vie, ni dans le sport ni dans le quotidien. Il y a de la place pour plusieurs acteurs, surtout quand le marché se structure.”
Une communauté en mouvement
Wilma est ce qu’on appelle une DNVB, une marque ayant pris naissance dans l’univers du digital, mais c’est aussi et surtout une marque humaine. En s’appuyant sur des ambassadrices de terrain, elle développe une présence physique dans plusieurs villes cibles en France, en Belgique, en Suisse, et bientôt en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. L’idée : organiser des événements pensés par et pour les femmes, avec un accompagnement technique, des échanges et des clés pour progresser.
Céline l’affirme : “on ne veut pas juste vendre. On veut créer du lien, faire en sorte que chaque femme qui ose se lancer se sente légitime, accompagnée.”
Une levée de fonds pour structurer l’avenir
Depuis 2022, Wilma affiche une croissance annuelle de 100 % de son chiffre d’affaires, portée par une communauté fidèle et engagée. En trois ans, la marque a conquis plus de 10.000 clientes et vendu 30.000 pièces.
En juin 2025, l’entreprise a franchi une étape stratégique en finalisant une levée de fonds de 570.000 euros. Le tour de table réunit exclusivement des business angels, à titre individuel ou via des regroupements comme Leikar, tous convaincus que le sport féminin représente un champ de croissance majeur. Issus du sport, de l’impact ou de l’entrepreneuriat, ces investisseurs ont été séduits par une marque à fort potentiel, une vision claire et une fondatrice exigeante et l’attractivité du marché de l’outdoor féminin estimé en Europe à 5 milliards d’euros.
Cette opération permet à Wilma de changer d’échelle. Elle vient soutenir la structuration de l’équipe, l’expansion géographique, le développement de nouvelles gammes et l’activation d’une stratégie plus offensive sur le terrain. Mais pour Céline Champonnet, cette levée va bien au-delà de la dimension financière : “J’ai pris le temps de bien préparer cette phase. Ce que je cherchais, ce n’était pas seulement des fonds, c’était des partenaires humains, alignés avec notre vision et notre exigence. Je veux construire une marque responsable, qui respecte toute la chaîne de valeur, de la conception à l’impact.”
Wilma confirme ainsi son positionnement singulier : une marque technique et engagée, née d’un besoin réel, portée par une communauté active, et structurée pour durer.