Le 17 janvier 2025 débutait Unrivaled, la ligue professionnelle américaine de basket-ball 3×3. Créée par deux joueuses de WNBA en activité (Napheesa Collier et Breanna Stewart), soutenue par de nombreux investisseurs et grands noms du sport professionnel américain, Unrivaled propose un modèle innovant dans l’écosystème sportif féminin, fondé sur deux axes stratégiques majeurs : s’approprier les nouveaux modes de consommation/diffusion du sport professionnel, et sécuriser les revenus des joueuses. Après une saison 1 couronnée de succès, la saison 2 s’avance avec des ambitions renouvelées, portées par une valorisation financière multipliée par 10 en un an. À quelques mois de sa reprise, SportpowHER vous propose une analyse détaillée du modèle économique d’Unrivaled.
Le concept Unrivaled, pensé pour le spectacle et pour les joueuses
À l’image d’une évolution constatée sur les disciplines du football et du rugby, on observe en basket-ball, en parallèle de la pratique majoritaire à 5, un rétrécissement du format de jeu avec l’essor du 3×3. Plus court, plus dynamique, le basket 3×3 séduit les pratiquants (la discipline est considérée comme le sport urbain n°1 dans le monde) et les instances, qui l’ont consacrée discipline olympique depuis 2020.
Aux Etats-Unis, la Ligue Unrivaled se nourrit d’une culture du “playground” ancrée de manière historique dans les habitudes de la jeunesse afro-américaine (on peut par exemple évoquer l’apport essentiel du Rucker Park dès les années 50) et qui a façonné nombre de joueurs et joueuses iconiques des ligues NBA et WNBA. La culture playground évoque un jeu spectaculaire, direct et donnant libre cours à l’expression des styles et des personnalités de chaque joueur, soit un matériau à la portée virale particulièrement adapté à l’évolution de la consommation du spectacle sportif. Unrivaled a su capter cette valeur du basket 3×3 dans un format de compétition créé pour une visibilité optimisée pour les réseaux sociaux.
Le premier élément fondamental dans la création d’Unrivaled est néanmoins la sécurisation des revenus des joueuses. Comme rappelée dans un article précédent, l’histoire de Brittney Griner, internationale américaine qui fut détenue en Russie, a démontré l’importance pour les joueuses professionnelles de se sécuriser face à la précarité contractuelle et salariale en vigueur en WNBA avant la promulgation d’une nouvelle convention collective (CBA).
Créée par des joueuses pour les joueuses, Unrivaled propose tout d’abord un salaire très compétitif : 220.000 $ en moyenne pour 10 semaines de compétition, contre 102.249 $ (en moyenne) sur les 44 matchs de la saison de WNBA. Soit une masse salariale d’environ 7 millions $ pour les 36 joueuses engagées.
Unrivaled est un Broadway sous stéroïdes – Alex Bazzell, Président d’Unrivaled
Un salaire auquel s’ajoute l’octroi d’actions de la société commerciale Unrivaled : les joueuses participantes acquièrent une part de capital comme patrimoine tout en étant directement bénéficiaires de sa croissance. Valorisée à 35 m$ à son lancement, la société Unrivaled est désormais évaluée à 340 m$ : les joueuses actionnaires bénéficient ainsi directement de la trajectoire de valorisation de la ligue.
Le second élément constitutif d’Unrivaled, c’est la valorisation du sportainment, principalement à travers la production de contenus pensés pour les réseaux sociaux. Selon les mots du président de la ligue, Alex Bazzell, “Unrivaled est un Broadway sous stéroïdes”. Tout est conçu en priorité pour le spectacle télévisuel et multimédia.
Ainsi, la Wayfair Arena de Miami ne peut accueillir que 850 spectateurs assis, mais offre une surface de près 12.000 m2 aménagée par Mediapro et dédiée à la production et captation de contenus photos et vidéos, directement partageables via les plateformes des joueuses, des clubs engagés et bien sûr de la Ligue elle-même. Dans un premier espace de captation de contenu, Sephora, l’un des sponsors d’Unrivaled, a par exemple développé la “glam room”, pour offrir aux followers les très virales scènes montrant les “outfit” des joueuses. Dans un second espace, nommé ”athlete content creation hub”, les championnes ont accès directement à des installations spécialement aménagées pour réaliser podcasts et interviews.

Arrivée des joueuses dans la Glam Room Sephora – crédit photos : WWD
Samsung, un autre sponsor d’Unrivaled, a également fourni à l’ensemble des acteurs du tournoi ses smartphones pour les encourager à capter différents moments pendant et autour de la compétition. Alex Bazzell, Président d’Unrivaled, a lui-même partagé pas moins de 450 publications durant les 4 semaines de la première saison.
Sur le plan télévisuel, l’ensemble des 48 matchs a été co-diffusé sur les plateformes de TNT Sports, TruTV et Max, toutes appartenant au groupe Warner Bros. Discovery, selon un accord pluri-annuel estimé à 100 millions $.
Le bilan très positif de la saison 1
À l’issue de la saison, remportée par les Rose BC d’Angel Reese le 17 mars 2025, le bilan fut positif sur l’ensemble des indicateurs. Sur le plan commercial d’abord, Unrivaled a généré des recettes estimées à 27 millions $, majoritairement issues des accords télévisuels et des 11 accords de sponsoring (dont Ally, State Farm, Sephora, Samsung, Under Armour). Grâce à un accord de licence avec le syndicat des joueuses WNBPA permettant l’utilisation de leurs droits d’image, le merchandising des produits dérivés Unrivaled a atteint 1,5 m$ en valeur.
Au niveau des audiences, le tournoi a attiré 221.000 téléspectateurs de moyenne. Après un match inaugural qui a suscité l’enthousiasme de 312.000 personnes, la finale des play-offs a réuni 364.000 supporters devant leur écran. En cumulé, Unrivaled a annoncé 11,9 millions de téléspectateurs. Des scores positifs, bien que largement inférieurs à la moyenne des matchs WNBA (environ 1,3 million de téléspectateurs).

La Wayfair Arena est transformée en un plateau audiovisuel
Élément-clé de la stratégie d’Unrivaled, la viralité des contenus a été massive avec 589 millions d’impressions des vidéos produites sur le tournoi, pour 3.804 publications, soit une cinquantaine de contenus diffusés quotidiennement. Les audiences sociales ont logiquement considérablement augmenté sur l’ensemble des plateformes :
Instagram +104.73%
TikTok +104.19%
X (Twitter) +58.51%
YouTube +93.29%
Au total, Unrivaled comptait au 17 mars 2025 près de 734.000 followers sur l’ensemble de ses réseaux. Avec l’exposition du tournoi, les joueuses ont bénéficié d’un effet d’entraînement sur leurs plateformes individuelles, avec un total de près d’un million de followers gagnés entre les 36 joueuses. Un gain important dans un écosystème où les marques mesurent l’audience socio-numérique des championnes afin d’établir leurs portefeuilles de sponsoring.
Enfin, le succès d’Unrivaled se mesure directement sur la valorisation de la société et son attrait auprès des investisseurs. Les tours de tables de 2024 avaient déjà montré, en plus de celui des fonds de private equity, l’enthousiasme d’athlètes majeurs de l’industrie du sport américain, dont Steve Nash, Michael Phelps, Carmelo Anthony, Alex Morgan, Megan Rapinoe ou Coco Gauff. Au cours de l’été 2025, une nouvelle levée de fonds a de nouveau démontré l’attractivité d’Unrivaled. Associés au fonds Bessemer, Serena Williams et Trae Young ont choisi d’entrer au capital de la société, quand Alex Morgan, via Trybe Ventures, a augmenté sa participation, portant la valorisation totale d’Unrivaled à 340 millions $. Une valeur décuplée par rapport à mai 2024.
Les évolutions et perspectives de la saison 2
La saison 2 d’Unrivaled débutera en janvier 2026 avec 2 équipes supplémentaires : le Breeze BC et le Hive BC. Cette expansion réalisée avec un an d’avance par rapport au plan établi à la création de la Ligue, répond au succès rencontré sur la saison écoulée et permettra une augmentation mécanique du nombre de rencontres, avec une quatrième soirée hebdomadaire sur la saison régulière.
Cette expansion démontre le contexte favorable du basket féminin américain, alors que la WNBA a par ailleurs annoncé avoir dépassé la barre symbolique des 3 millions de spectateurs dans les tribunes, et des audiences en hausse (malgré la baisse de l’effet Clark) à +6% par rapport à 2024 (+13% sur le segment des téléspectratrices).
Au niveau des têtes d’affiche, après Napheesa Collier, Breanna Stewart, Sabrina Ionescu et Angel Reese, la saison 2 pourra compter sur une nouvelle superstar en la personne de Paige Bueckers, qui a signé pour 4 éditions. La popularité de la joueuse des Dallas Wings est un moteur certain pour dynamiser encore les audiences d’Unrivaled et l’attrait des partenaires.
L’exemple de Paige Bueckers démontre qu’Unrivaled est par ailleurs très investie sur le basket universitaire. L’une des stars de NCAA, JuJu Watkins est actionnaire d’Unrivaled et la ligue a signé cet été 14 contrats de sponsoring avec des joueuses universitaires pour les engager dans des opérations de promotion (sans garantir de place parmi les 54 joueuses de la saison 2).
Autre catalyseur auprès des supporters, des diffuseurs et des annonceurs, l’internationalisation des effectifs, avec l’arrivée potentielle de joueuses non-américaines parmi les 54 places disponibles dans les rosters des 8 équipes.

Rencontre entre les Mist et les Laces – Crédit photo : Rose-Marie Cromwell / ESPN
Selon les annonces d’Alex Bazzell et de Luke Cooper, Président et Président des opérations basketball, Unrivaled ambitionne enfin de délocaliser quelques rencontres, sur un à deux bassins WNBA, tout en permettant une augmentation de la jauge de spectateurs assis. Avec ces nouvelles options, la Ligue entend doubler ses revenus en billetterie et en merchandising.
Unrivaled a construit un modèle économique vertueux, fondé sur la sécurisation des revenus des joueuses, parties prenantes de la stratégie de la Ligue auprès de ses sources de revenus. Elaborée sur le constat d’une évolution de la consommation du spectacle sportif par la “Gen Z”, Unrivaled mise fortement sur la viralité de contenus on et off-field et le développement de communautés digitales sur les plateformes sociales.
Portée par le contexte favorable du basket féminin américain, la Ligue a décuplé sa valorisation. D’une part les investisseurs capitalisent sur la croissance des revenus liés à l’augmentation de l’exposition médiatique. D’autre part, l’essor des athlètes-influenceuses typiques des nouveaux modèles du sportainment encourage les annonceurs à construire des partenariats lucratifs avec Unrivaled.