Stephen Delcourt, l’architecte de la FDJ-Suez : construire une équipe, une marque, une vision
L’équipe FDJ-Suez, une des grandes favorites du Tour de France Femmes 2025, a connu un développement rapide, avec le quintuplement de son budget entre 2020 et 2024. Un succès économique et sportif qui doit pour beaucoup à son architecte principal, Stephen Delcourt. Intimement engagé pour le développement de l’équipe qu’il encadre depuis sa création, il a pris le temps de nous expliquer son modèle de développement, pionnier dans le cyclisme féminin. Stephen Delcourt, entrepreneur et architecte de la construction de FDJ-Suez, numéro 1 mondiale sur le World Tour, partage sa vision.
Une vision sociétale forte et engagée
“Mes que un club” : la devise du Barça colle parfaitement à la philosophie de Stephen Delcourt, fervent supporter du club catalan et en particulier de son équipe féminine. Elle décrit une vision qui dépasse le cadre strictement sportif et synthétise l’ambition de l’entrepreneur.
Chez FDJ–SUEZ, le sport est un levier d’impact, au service d’une mission claire : “promouvoir le cyclisme féminin, agir pour l’égalité, inspirer les petites filles, éduquer les garçons”. Inscrite au cœur de la stratégie de l’équipe depuis sa création, cette mission n’a pas changé alors que FDJ-Suez se positionne aujourd’hui au sommet du World Tour. Et FDJ-Suez déplace régulièrement le bus de l’équipe dans des écoles pour partager et promouvoir sa mission.
Fiers de ses sponsors internationaux, dont certains leaders mondiaux de leur industrie, que l’équipe a pu fédérer, Stephen Delcourt défend tout autant l’ancrage local à Poitiers, terre d’origine de l’équipe dans laquelle il était bénévole jusqu’en 2022. Il revendique de savoir tisser des liens “avec Shimano Japon comme avec le boucher du coin”. Une manière aussi d’agréger une communauté au sein d’un club partenaires de près de 80 entreprises, dont une grande partie de PME locales.
Un projet entrepreneurial structuré
Créée en 2006, l’équipe féminine a changé de statut en 2017 lors de l’arrivée de la FDJ comme partenaire-titre : d’un modèle associatif, elle est passée à un modèle commercial avec le statut de SASP (Société Anonyme Sportive Professionnelle) structure indispensable pour sécuriser des engagements pluriannuels et professionnaliser l’organisation. Et les chiffres en témoignent :
“Notre budget est passé de 500 k€ en 2017 à 1m€ en 2020 et 5 m€ en 2024”.
Mais l’équipe a gardé son identité et bâtit son projet sur ses forces et ses valeurs. Stephen Delcourt insiste sur l’aventure entrepreneuriale et la construction d’une équipe opérationnelle autant que d’une équipe sportive. “Avec l’arrivée de FDJ en 2017, qui était depuis longtemps dans le cyclisme masculin, la tentation aurait pu être de fusionner les deux équipes. Mais on se structure pour être indépendant et aujourd’hui notre équipe a la même visibilité que l’équipe masculine et nous touchons directement les collaborateurs de FDJ United”.
Pour multiplier son budget par 5 en 5 ans, pour viser 6 m€ en 2025, la FDJ-Suez a structuré avec efficacité ses fonctions opérationnelles. L’arrivée d’un Directeur Marketing “ne connaissant rien au vélo” mais “excellent sur le travail de construction d’une marque sportive” a été déterminante dans la prise de conscience par Stephen Delcourt que “le projet FDJ-Suez pouvait être présenté et valorisé auprès de tout le monde”.
« Mes que un club », une entreprise, une marque forte reposant sur une identité, des valeurs et un projet attractif. Une puissance et une force de conviction que Stephen Delcourt et ses équipes s’approprient pour convaincre les partenaires et choisir aussi ceux avec lesquels ils sont alignés. Avec beaucoup d’humilité, Stephen Delcourt souligne qu’il a compris que “FDJ-Suez était devenu légitime”, une phrase qui résonnera pour beaucoup d’entre nous.
Et l’entreprise a su fédérer des grandes entreprises comme ses partenaires titres mais aussi Adagio et Gan Assurances, des acteurs internationaux (Zwift, Shimano, Specialized) qui représentent aujourd’hui 20% de son budget et donc près de 80 partenaires locaux ou régionaux traduisant son ancrage territorial fort à Poitiers. À Poitiers, l’entreprise “a construit en 2020 un nouveau bâtiment qui lui permet d’accueillir une trentaine de séminaires par an. Il y a aussi une salle de vélo virtuel avec Zwift, une boutique qui vend les produits de la marque et à partir de l’an prochain les produits Nike associés“. Avec “plus de 100 k€ de recettes de merchandising”, la FDJ-Suez repousse les limites.
Construire sur plusieurs piliers ou comment ne pas dépendre du résultat sportif
FDJ-SUEZ articule son développement autour de trois axes complémentaires : performance sportive, stratégie marketing, excellence opérationnelle. “Chaque décision prise doit nourrir ces trois piliers, sans silo”.
Un exemple ? L’entraînement en soufflerie début 2024 : « Le montant que j’ai investi dans ces deux heures de travail aérodynamique… Quelle influence aura-t-il sur notre calendrier ? Sur le travail des mécanos ? Et surtout : comment le valoriser auprès des sponsors ? »
Chaque investissement est ainsi une opportunité de contenu, de storytelling, de valorisation, à la manière des grandes équipes de F1. Aucun déplacement sans présence de l’équipe marketing. Une stratégie encore rare dans le cyclisme féminin, mais qui fait toute la différence.
Devenir numéro 1 mondial

©FDJ-Suez
On ne le dit pas assez mais la FDJ-Suez est l’équipe numéro 1 mondiale. Le palmarès de l’année 2025 est déjà énorme sur les épreuves World Tour : la Vuelta, les Strade Bianche, Clasica de Almeria, Setmana Ciclista Valenciana, le Tour du Pays Basque, le Tour de Grande-Bretagne, le Tour de Catalogne…
Car FDJ-Suez a aussi bien travaillé sur le plan sportif que sur le plan business et marketing. En recrutant un staff expérimenté compétent et en investissant dans la performance.
En signant avec Specialized, la marque leader du vélo, l’équipe a ouvert une porte vers le recrutement de la numéro 1 mondiale Demi Vollering à la recherche d’une nouvelle équipe. Ce partenariat s’est construit à l’automne et c’est le moment où Stephen Delcourt a « vraiment pris conscience de la transformation de son équipe et de son pouvoir d’attraction ». Demi Vollering, c’est la star du vélo.
« Elle fédère une communauté unique avec la particularité d’avoir davantage de femmes que d’hommes qui la suivent. »
Car elle prend la parole sur des sujets qui nous touchent (les cycles menstruels, la santé mentale, l’équilibre de vie, la résilience). Elle assume sa position de championne et de “rôle modèle”.
Un effet booster et des nouvelles ambitions
Le recrutement de Demi Vollering par la FDJ-Suez, « c’est un peu le transfert du siècle dans le cyclisme féminin. Première championne à avoir des revenus supérieurs à 1 millions de dollars » (salaire et contrat), elle a apporté à FDJ-Suez un niveau de performance et une visibilité que l’entreprise était en capacité d’absorber et de valoriser au mieux, car elle s’était préparée.
Pour l’annonce de son recrutement, la FDJ-Suez a vu les choses en grand : pas un tweet ou un post Insta. Un film magnifique et inspirant. Un investissement avec un ROI.
Grâce à Vollering, Nike est devenu partenaire lifestyle de l’équipe – une première dans le cyclisme. L’impact est immédiat : les premières courses avec Demi ont déclenché un effet d’entraînement, renforçant l’attractivité de l’équipe et l’intérêt des sponsors.
FDJ-SUEZ est aujourd’hui bien plus qu’une équipe de cyclisme. C’est une plateforme d’influence, un projet de société, une preuve vivante que performance, business et impact peuvent se conjuguer au féminin.