OL Lyonnes, nouvelle identité et nouvelle étape pour la stratégie du club
C’était le frisson de ce début du mois de mai, avec de nombreuses rumeurs qui laissaient entendre un changement de nom pour le club lyonnais fondé par Jean-Michel Aulas et désormais propriété de Michele Kang au sein du MCO organisé par Kynisca (qui comprend également le Washington Spirit et les London City Lionnesses). C’est désormais officiel, le club le plus titré d’Europe, 18 fois champion de France s’appelle depuis ce 19 mai “OL Lyonnes”.
Un nouveau nom inscrit dans un nouveau logo, qui vient incarner une nouvelle étape dans la stratégie d’indépendance voulue par Michele Kang vis-à-vis du football masculin. Une stratégie qui s’érigera aussi par la pierre, avec la mise en construction d’un nouveau centre de performance pour toutes les équipes féminines à Meyzieu.
Quels enjeux recouvrent ces décisions particulièrement stratégiques ? Retour et décryptage par ecosportwomen.fr
Une nouvelle identité pour incarner la glocalisation du football
Un logo symbolise un positionnement et des symboles structurant l’identité et les valeurs d’une organisation. Impulsée par Michele Kang lors du rachat de la section féminine il y a presque 18 mois, l’indépendance stratégique de celle-ci se devait d’être matérialisée par la création d’un nouveau blason, afin, selon les mots de la présidente “de ne plus êtres perçues comme secondaires”. Fortes du palmarès le plus riche du football féminin mondial, les lyonnaises doivent donc incarner l’excellence et s’emparer de leur propre identité pour “redéfinir les possibles du football féminin”.
Conçu pour affirmer l’héritage construit par “la famille Olympique Lyonnais”, le nouveau logo de l’OL Lyonnes s’inscrit dans le contexte de cette appartenance. Un point d’importance majeure pour Michele Kang, pour fédérer les fans historiques, et rappeler que même avec une expression novatrice, les épopées passées ne sont pas oubliées et continuent à forger l’identité du club. Une ambition qui se retrouve dans le slogan qui accompagne la nouvelle identité : “Nouvelle histoire, même légende”.
Deuxième point, exprimer l’énergie rugissante des joueuses, écho à la combativité des lionnes de la horde. Les travaux de Natacha Lapeyroux rappellent la sous-représentation des sportives en situation d’action et de performance. Ici, le choix de la lionne rugissante est montré comme une analogie aux cris des joueuses au moment d’un but, d’un tacle décisif. Cet enjeu iconographique est une facette majeure de l’empowerment promu par Michele Kang dans ses investissements dans le sport féminin et sa carrière en général.
« 4 valeurs essentielles m’ont guidé à travers chaque étape de ma carrière : dignité au travail, dignité individuelle, indépendance et être capable de pourvoir aux mêmes opportunités [que les hommes] » – Michele Kang, The Athletic, 22/11/2024
Pour marquer la continuité malgré le changement d’identité, il était également fondamental d’exprimer l’ancrage du club au Grand Lyon, un ancrage d’ailleurs valorisé récemment par le partenariat avec OnlyLyon dans une logique de marketing territorial et de rayonnement.
Ainsi dans les couleurs du logo, au bleu traditionnel du Rhône, et au rouge de la “hardiesse”, s’ajoute désormais un jaune doré directement inspiré de la place Bellecour. Mais c’est dans le nom que la revendication territoriale s’exprime le plus : les “lionnes” se parent du “y” lyonnais pour former le nom original OL Lyonnes.
Fondée sur cet ancrage local, il s’agit pourtant de reconnaître le changement d’échelle de la stratégie du club au sein du MCO géré par Kynisca et dirigée par Michele Kang, qui évoque l’affirmation d’une plateforme de marque reflétant la culture de la victoire et la nouvelle trajectoire mondiale traçée pour le football féminin. La présidente veut « redéfinir les possibles » et revendique “un projet international mené auprès de partenaires globaux, mais qui s’aligne et se complète avec les initiatives locales en parallèle”.
“Performance centre”, un nouveau cadre de travail à hauteur des exigences du très haut niveau
Au-delà du changement d’identité, l’annonce principale était l’inauguration prochaine d’un nouveau centre de performance sur l’emplacement de l’actuelle OL Academy. A l’origine de ce déménagement du centre d’entraînement des Lyonnes, l’idée de retrouver de la proximité entre les équipes de jeunes et l’équipe fanion et donc d’intégrer tout l’écosystème de performance sur un lieu unique.
Le studio d’architectes F3, à qui on doit le nouveau “performance centre” de Tottenham, a pour cela interrogé l’ensemble des parties prenantes des OL Lyonnes pour construire une infrastructure qui respecte les besoins spécifiques des joueuses dans leur développement, notamment sur le plan physiologique, avec la mise en application directe dans les installations médicales des travaux menés par Kynisca sur l’athlétisation des sportives.
Michele Kang a pu détailler d’autres de ces spécificités : “nos joueuses ont fait part du besoin de communication, entre elles ou avec les différents membres du staff, c’est pourquoi le bâtiment est pensé avec beaucoup d’espaces prévus pour les réunions, et de rencontres. Les joueuses ont des besoins spécifiques en ce qui concerne leur maternité, de la grossesse à la parentalité, c’est pourquoi on a par exemple intégré au lieu des prestations dédiées aux enfants, pour les accueillir pendant les entraînements de leurs mères. Même les extérieurs respectent une manière de vivre le centre d’entraînement qui diffère des joueurs, puisque nos joueuses aiment y rester plus longtemps dans la journée, avec des temps de détente, de partage.”
Sur les images d’illustration, on découvre ainsi un terrain de pétanque, qui d’après Vincent Ponsot peut très bien se transformer “en espace pour les barbecues”.
On retrouve les marqueurs des centres d’entaînement de nouvelle génération qui s’érigent en NWSL et en WNBA, comme à Chicago, Portland ou Los Angeles, et qui illustrent l’ambition et le développement économique du sport au féminin, avec des coûts infrastructurels croissants. Michele Kang, sans révéler le montant, a d’ailleurs reconnu “un coût très important, entièrement financé, qui fait partie du projet initié dès la prise de fonction à Lyon et qui s’inscrit dans la trajectoire de développement naturelle pour le club au plus grand palmarès d’Europe.«
Bien plus qu’un centre d’entraînement, le lieu doit servir selon Michele Kang à “montrer aux plus jeunes ce que c’est d’être la meilleure, et d’être importante pour un club”. C’est pourquoi la structure abritera un espace muséal, qui témoigne du “patrimoine et de la culture de la victoire héritée des années Olympique Lyonnais”. Sur les images de présentation, l’entrée est même ornée de statues de joueuses, dont la première est évidemment Wendie Renard.
Et puisque l’histoire s’anime de détails et de symboles, le studio F3 n’a pas oublié d’intégrer la lavande à la végétalisation de ce “performance centre” pionnier du football féminin européen.
Le stade : façonner l’expérience de tous les publics
« Toutes les joueuses rêvent de jouer contre les meilleures équipes dans un stade plein«
Dernière annonce de cette conférence, la décision de jouer dès la saison prochaine l’intégralité des matches de l’équipe première des OL Lyonnes au Groupama Stadium. Cette décision s’inscrit dans la volonté de créer un continuum pour la fan-expérience, en accueillant les rencontres sur un lieu unique, que les fans pourront s’approprier à part entière.
Pour Michele Kang, c’est aussi un outil de fidélisation des joueuses “il était inconcevable de ne pas leur offrir un stade à la hauteur de leur palmarès. C’est le souhait n°1 de toute joueuse que je rencontre : jouer contre les meilleures équipes dans un stade plein.”
Mais cela implique une réflexion de la part de la direction pour créer l’attractivité auprès des publics et remplir des tribunes de 57 000 places. Vincent Ponsot rappelle sa satisfaction des affluences réalisées cette saison et développe une vision stratégique sur le “pricing” des places, en maintenant l’accessibilité au réseau de clubs féminins du territoire, et en ciblant ensuite des catégories de tarifs cohérentes par rapport à chaque cible.
Pour susciter la désirabilité des rencontres, Michele Kang insiste sur le devoir d’innovation, d’inventer des modèles, pour animer le stade avant, pendant et après les rencontres. La présidente expose ainsi la notion de “compelling value proposition”, la promesse de valeur faite au client. En effet, dans un monde d’entertainment ultra-connecté, pour la présidente américaine, le match des OL Lyonnes n’est pas qu’en concurrence avec le match de l’OL.
Parmi les possibilités disponibles pour occuper leurs soirées ou week-ends, comme aller au cinéma, au restaurant ou même rester en famille, il s’agit de convaincre le public de venir au stade voir les OL Lyonnes. Un public d’ailleurs très diversifié, “aux segments multiples, plus diversifié dans le sport féminin qu’il ne l’est dans le sport masculin” et pour lequel la promesse de compelling value réside dans la multiplicité des expériences pour créer l’engagement et la volonté de revenir.
Sont décrits par exemple les DJ sets introduits en clôture des matches, et les animations avec les mascottes, les jeux, le maquillage qui les précédent. La présidente américaine insiste sur la dimension émotionnelle, expériencielle faire prendre conscience aux spectateurs de l’excitation qui les gagne quand on vit le match, de la communion vécue avec la foule.
Dans la compétition du marché de l’entertainment, c’est ce marketing expérienciel qui crée l’avantage concurrentiel. Pour attiser ces émotions, il faudra renouveler l’intensité compétitive de la Première Ligue et développer le “produit” Première Ligue. Sans toutefois s’inspirer forcément des modèles existants. “Le pire serait de copier ce qui se fait chez les garçons, sans se soucier de la spécificité du sport pratiqué par des femmes” impose Michele Kang. Le format de la compétition est un sujet de discussion ouvert avec la LFFP, les play-off n’ayant pas la faveur de Vincent Ponsot, pour qui on “pénalise le club qui finit la saison avec 10 points d’avance et qui doit tout remettre en cause sur un match éliminatoire”. Michele Kang abonde avec un argument supplémentaire, celui de la répétition des affiches contre les mêmes adversaires “les spectateurs peuvent se lasser de nous voir affronter 7 fois le PSG dans la même saison.”
Pour créer de la valeur dans l’écosystème du football féminin et la redistribuer, il faut des forces vives et dédiées pour penser et structurer son développement. Ce qui passe selon Vincent Ponsot par la croissance des effectifs de la LFFP: “on ne peut pas commercialiser la Première Ligue, la Seconde Ligue, la Coupe de la Ligue avec 5 salariés”. Le CEO des OL Lyonnes se déclare pour autant très satisfait du travail déployé par la LFFP, dont les efforts se sont déployés notamment sur la visibilité des matches par les diffuseurs.
Enfin, le sport fonde sa croissance et sa visibilité sur sa capacité à produire des histoires, du récit. A l’exemple de la WNBA, dont le record d’audience a été battu lors du match Indiana Fever / Chicago Sky, le sport aime la création de rivalités, d’antagonistes. On touche à la symbolique du champion, défini à l’ère médiévale comme le représentant d’un camp pour l’affrontement face à un autre. Dans cette perspective, Vincent Ponsot félicite le développement à Nantes, Strasbourg, voit avec enthousiasme les nouveaux moyens du Paris FC et l’arrivée des nouveaux grands marchés de la ferveur club que sont l’Olympique de Marseille et le Racing Club de Lens.
Car le produit football se nourrira de la co-opétition entre clubs, de leur émulation pour attirer les publics et les partenaires.