LFFP et Première Ligue Arkéma, inauguration sous contraintes

Après des mois de gestation, la Ligue de Football Féminin Professionnel a vu le jour le 1er juillet 2024, et avec elle, les deux divisions de l’élite féminine ont dévoilé un nouveau « branding » en étant désormais dénommées Première Ligue et Seconde Ligue, toujours sous le naming d’Arkéma, engagé jusqu’en 2025.

Alors que la Seconde Ligue a vu se jouer ses premières affiches dès le week-end dernier, c’est au tour de la vitrine du football féminin français de se dévoiler ce week-end des 21 et 22 septembre, et l’occasion de se pencher sur les enjeux qui entourent la professionnalisation et la croissance du football féminin de haut niveau.

Des déclarations optimistes… une réalité contrastée

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En tant que président de la LFFP, Jean-Michel Aulas s’est exprimé lors de la conférence de presse de lancement de la saison, assurant notamment qu’il était « essentiel que le championnat français attire les meilleures joueuses du monde et soit considéré comme l’un des plus prestigieux« . Si l’on peut mettre au crédit de l’ancien président de l’OL les arrivées des internationales Mary Earps ou Romée Leuchter au PSG, Sofia Huerta à l’Olympique Lyonnais, ce sont d’abord les colonnes des transferts sortants qui interpellent, notamment ceux des internationales françaises. La synthèse sur les transferts estivaux menée par la FIFA confirme un nombre de mouvements sortants (50) supérieur aux mouvements entrants (34) qui sont d’ailleurs en baisse de 15%.

Source : https://www.theguardian.com/football/ng-interactive/2024/may/28/womens-transfer-window-summer-2024-wsl-liga-f-frauen-bundesliga-division-1-feminine

Quant au prestige, la défaite du Paris Saint-Germain face à la Juventus (qui alignait avec Vangsgaard et Caligaris deux ex-parisiennes) en match aller de qualification à la Ligue des Champions, conjuguée à celle plus logique du Paris FC face à Manchester City, jette une ombre sur le quota français engagée dans l’unique compétition continentale. Le déclassement français face au Top 3 européen est d’abord une inquiétude sportive, déjà perceptible avec les résultats de la sélection.

La précarité structurelle des clubs, et un enjeu majeur du développement

Point noir toujours dénoncé malgré les annonces d’enveloppes et d’investissements de la Ligue, la structuration et la professionnalisation réelle des sections féminines fait toujours défaut à travers la Première et la Seconde Ligue. Anna Carreau rappelant sur franceinfo que le cahier des charges des « Licences Club » n’augmentait pas sensiblement les exigences en matière de recrutement spécifique dans les organisations et fonctions supports à la performance. Certains présidents de clubs soucieux de leurs budget restaurant ont même déjà annoncé des « baisses drastiques » sur le budget des sections féminines…

Autre enjeu de la professionnalisation de la Ligue, celle des joueuses. Et si les locomotives parisiennes et lyonnaises jouent le jeu des salaires, c’est évidemment la précarité qui est le quotidien de trop nombreuses joueuses parmi les autres écuries du championnat. Toujours révélé par l’article de franceinfo, le contrat à temps partiel prévu par le statut fédéral implique une rémunération au salaire minimum basé sur 17,5 heures hebdomadaires. Le même statut pour les garçons fixe la base à 21 heures… C’est ainsi qu’alors qu’elle était annoncée au 1er mars dernier, la convention collective des joueuses n’est toujours pas signée alors que le championnat va disputer ses premières rencontres ce week-end.

Autre élément de la précarité vécue par les joueuses, les conditions de jeu. Le quota fixé dans les « Licences Clubs » établit que les filles doivent disputer 3 matches par saison dans le stade « premium », soit l’arène des garçons. Et ce même si Strasbourg, promu cette saison a engagé son stade de La Meinau pour 6 rencontres, ce sont encore trop d’équipes qui joueront l’essentiel de leur saison sur des terrains d’entraînement ou guère dignes d’une autoproclamée élite européenne. Le PSG jouant par exemple son barrage retour face à la Juventus (25 septembre) au Centre Ooredoo, pour vraisemblablement préserver la pelouse du Parc des Princes avant le choc des garçons face au Stade Rennais…

Les affluences : du (beaucoup) mieux mais…

Sans cellule de communication/marketing dédiée, sans terrain capable d’attirer les supporters, il n’est pas surprenant de constater que les affluences restent trop faibles. La LFFP se satisfait du chiffre de la progression (+39%), mais cela ne doit pas masquer que la fréquentation des stades, au cumulé ou ramené à la moyenne, place le championnat de France à l’écart du top 3 européen.

Source : Two Circles pour Sporsora
Source : ecosportwomen

Poussée hors du Top 3, c’est avec l’Italie, dont les progrès infrastructurels (même si limités) sont décrits par Pauline Londeix que la Première Ligue Arkéma est à la lutte pour le top 4 de la popularité.

Le naming, un chantier en pente glissante

Enfin, avec l’échéance approchante du contrat qui lie Arkéma à la LFFP (2025), c’est un autre challenge important qui attend la gouvernance et la stratégie du football féminin professionnel français. Alors que les 4 ligues sportives ont un sponsor titre, le football voudra forcément revoir à la hausse le montant d’1,2 million € annuels qu’offre aujourd’hui Arkéma.

Mais bien que le football féminin soit largement surexposé médiatiquement que les autres disciplines pratiquées par des femmes, les audiences trop relatives couplées à l’inefficacité des affluences pourraient forcément raboter les ambitions de la Ligue.

Volume de diffusion TV rapporté au nombre de licenciées

De quoi encore amplifier l’écart avec l’Angleterre et l’Allemagne ? Barclay’s offre aujourd’hui plus de 10,2 millions € annuels à la Women’s Super League, quand Google Pixel investit plus de 5 millions € pour titrer la Frauen Bundesliga. Alors que le fiasco des droits TV pour les garçons résonne encore, c’est un autre casse-tête qui s’ouvre…