Les World Sevens Football, tremplin ou concurrent de l’avenir du football féminin ?
Le 20 mars dernier, après des indiscrétions du Guardian que l’on avait publiées dès le 14 mars, toute la presse sportive a officialisé la naissance des World Sevens Football, un tournoi féminin professionnel de football à 7 réunissant 8 équipes parmi les plus prestigieuses du monde, et dont la première étape se jouera donc du 21 au 23 mai 2025 à Estoril (Portugal), soit en ouverture de la finale de la Ligue des Champions (24 mai 2025, Lisbonne).
Richement doté, le prize-money de la première édition étant annoncé à 5 M$, le format de ce nouveau tournoi suscite logiquement une forte curiosité, d’autant que seraient engagées des équipes de NWSL, en plus d’équipes européennes et possiblement sud-américaines et asiatiques, dans un format global et à étapes, traversant tous les continents.
Au coeur de cet enthousiasme, l’idée du développement et de la croissance du football féminin professionnel s’érige en unique vertu. L’occasion d’interroger des indicateurs économiques pour mieux analyser le contexte du football féminin.
Les formats innovants, un tremplin pour le branding des joueuses
A l’instar du futur World Sevens Football, d’autres compétitions ont récemment vu le jour pour « dynamiser » le sport au féminin. En football, on peut évidemment citer la Queen League Oysho, capable de produire le but le plus vu de l’histoire du football féminin, mais aussi l’Infinity League, un format inauguré en 2024 et réunissant l’Inter Milan, le BvB Dortmund, le Bayern Munich et la Juventus Turin, et par ailleurs diffusé par DAZN, qui s’est déjà attaché les droits du W7F.
Fortement gamifiés, hyper-connectés aux plateformes socio-numériques, une logique commune répertoriée par Falgoux et Desbordes parmi les événements « spectacles », ces compétitions permettent une valorisation plus importante des joueurs-influenceurs sur les réseaux.
Les World Sevens Football s’associent naturellement à cet objectif, comme l’a indiqué Aly Wagner, responsable de la stratégie des « W7F » : « Nous savons tous que [les clubs et] les joueuses veulent l’opportunité de développer leur propre marque. »
Plus de tournois, plus de cash pour les clubs et les joueuses ?
La phrase exacte prononcée par Aly Wagner à The Athletic était « Nous savons tous que les clubs et les joueuses veulent générer plus de revenus, donc tous les acteurs bénéficient de cet incroyable prize-pool, mais aussi de l’opportunité de développer leur propre marque. »
Sauf que si l’on voit bien les revenus du football féminin augmenter, ce ne sont pas « tous les clubs » et encore moins « toutes les joueuses » qui en bénéficient. Les rapports « Setting The Pace » édités par la FIFA (2024, 2023) démontrent en effet un accroissement des écarts entre les ligues du Tier 1 (ligues professionnalisées) et les autres. Et parmi ces clubs les plus structurés, les différences entre le Top 15, dont les revenus ont augmenté de 35% et le reste sont toutes aussi importantes, comme l’a rapporté Deloitte.
Cet écart croissant influence une différenciation croissante dans la redistribution vers les joueuses.
Si l’idée d’un tournoi complémentaire, alimenté sur les fonds privés des firmes de PE, peut faire croire à plus de parts de gâteau pour les joueuses, à l’instar de ce que le format Unrivaled au basket a su créer, on constate donc que ce sont seulement les joueuses d’élite qui en bénéficieront.
L’encombrement du calendrier : jouer trop pour gagner plus ?
A moins que, face au risque de surchage de calendrier, le W7F fasse émerger des équipes et des joueuses moins exposées, sur le modèle de la future Coupe de la Ligue imaginée par la LFFP. En effet, les joueuses font face à une inflation du nombre de matches.
Aux matches de leurs championnats respectifs (environ 22 matches annuels), les footballeuses doivent ajouter :
- Les Coupes Nationales : jusqu’à 4 matches pour le vainqueur
- La Ligue des Champions, format renouvelé de 6 journées hors tours préliminaires et barrages, puis la phase à élimination directe, soient 15 matches potentiels
- La nouvelle Ligue Europa : 10 matches
- Les matches internationaux : 10 matches de qualification à la Coupe du Monde
- La Women’s Cup
- Les tournées internationales promotionnelles, comme le FC Barcelone
Donc potentiellement un calendrier annuel à plus de 50 matches… alors que la FIFPro a alerté sur la surcharge vécue par un nombre croissant de joueuses, citant l’exemple de Mariona Caldentey, qui a joué 64 (!!) matches en 2023/24. La moyenne évaluée se situait à 33 rencontres pour les joueuses.
Une problématique croissante que les tournois W7F ne feront qu’alourdir…