Les Burdis, entre gouvernance inédite et croissance sportive

Promues en Saforelle Power 6 l’été dernier, les Burdis se sont hissées en play-off dès cette première saison. Malgré les remous administratifs vécus cette intersaison, l’équipe bordelaise évoluera à nouveau dans l’élite du volleyball féminin français en 2025-26. À la tête d’un modèle unique de coopérative sportive (SCIC), Béatrice Knoepfler, Présidente, et Valérie Pull, Directrice Générale ont répondu aux questions de SPORTPOWHER© sur les enjeux économiques du club, et plus généralement du volley féminin professionnel, dans un contexte international en pleine mutation.

Un modèle économique sain et vertueux, construit sur le régime de la SCIC

Pour la saison 2025/26, les Burdis du Bordeaux Mérignac Volley (BMV) pourront compter sur un budget qui franchit le palier du million d’euros, à 1,15 m€. Premiers contributeurs de ce budget (environ 600 k€), les partenaires privés, près de 80 entreprises du territoire, sont associés de manière active à la croissance du club, grâce notamment au changement de statut juridique des Burdis, désormais régies en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif.

L’engagement des partenaires privés est un ancrage bien plus profond et ancien que le changement de statut intervenu cet été. Béatrice Knoepfler et Valérie Pull, co-dirigeantes depuis 2019*, témoignent du soutien vertueux des partenaires depuis la création du club il y a 12 ans. Attirés par la performance sportive, puisque le BMV est le seul club de volley professionnel féminin de Nouvelle-Aquitaine, “les sponsors et partenaires se retrouvent aussi dans toutes nos propres valeurs et ce que nous défendons : valeurs d’égalité, d’engagement, de solidarité, les valeurs d’ouverture au monde qui nous entoure, la combativité des joueuses comme la nôtre en tant que dirigeantes, et bien sûr la convivialité que nous entretenons avec eux.” Bien que “ce soit plus difficile d’attirer des entreprises en tant que sport féminin, ceux qui nous rejoignent sont très séduits par la dimension spectacle du volleyball de haut niveau.”

Les Burdis, premier match en Saforelle Power 6 au Palais des Sports – Crédit : BMV

Autre élément d’attractivité pour les sponsors, c’est la proximité des joueuses, un atout dans la stratégie d’activations menées avec les partenaires, comme le décrit Béatrice Knoepfler. “Ce sont des stratégies que l’on a mises en place depuis plusieurs saisons, où l’on développe une réelle valorisation. Les joueuses se déplacent dans les entreprises au travers d’opérations développées sur-mesure, il ne s’agit pas que de faire vivre des hospitalités les soirs de match.” Valérie Pull complète avec une nouvelle activation créée cette saison : “nous avons lancé le parrainage de joueuses, où une entreprise signe une joueuse spécifique qui est prioritairement désignée pour les valorisations marketing avec les entreprises marraines. Nos 11 joueuses ont trouvé leurs parrains, qui ont donc leurs noms sur le maillot d’échauffement de la joueuse parrainée.” Un concept original qui met en avant le soutien accordé aux sportives dans leurs parcours individuels.

Autre terrain d’activation, l’événementialisation du Palais des Sports. “Le BMVE, qui existait avant le club, est un club d’entreprises indépendant des Burdis, autogéré et ils organisent leurs propres animations dans un espace réservé du Palais des Sports. Ils gèrent leurs réceptifs et nous font de nombreuses animations. Ils organisent également des réceptions en début et fin de saison, auxquelles sont invitées les joueuses, les dirigeants et l’ensemble des membres du bureau du club.” Un engagement qui participe à la croissance du club et qui se vérifie dans la hausse du ticket moyen, qui atteint désormais 7.000 € par sponsor, soit un doublement par rapport à la saison précédente.

Les performances des Burdis cette saison sont également à mettre au crédit du soutien de la collectivité. Avec 35% du budget financé par des recettes publiques, dont 250.000 € de subventions allouées par la Ville de Bordeaux, en plus de la mise à disposition du Palais des Sports dont le club est seul résident professionnel (la JSA Basket, co-résident, évolue en 4ème division), l’appui des collectivités territoriales et locales est essentiel à la pérennité du club. Mais dans un bassin aquitain qui peine à faire émerger des puissances sportives féminines au plus haut niveau (à l’exception notable des Lionnes du Stade Bordelais), les Burdis sont un relais de notoriété et d’image certain pour les territoires qui y apposent leur identité.

En parallèle de ce soutien des collectivités, les Burdis bénéficient du rôle médiatique de la presse régionale, notamment le réseau ICI (ex-France Bleu), France 3 Nouvelle-Aquitaine et le groupe Sud-Ouest, qui relaient avec efficacité la communication, les actualités et le calendrier du club, et participent à l’attachement auprès des publics.

Un public fidèle au Palais des Sports

Car les Burdis peuvent compter sur un soutien fervent de la part du public les soirs de matchs. Avec une enceinte à guichets fermés 3 fois sur la saison (dont le match inaugural en Élite 1) puis une moyenne de 1.374 spectateurs par rencontre à domicile (pour une capacité maximale du Palais des Sports de 2.500 places) la fidélité du public bordelais dépasse la moyenne nationale (1080 spectateurs en saison régulière). Un public composé de fidèles des Burdis de plus en plus nombreux mais pas seulement “nous comptons également sur des invitations et une part considérable de spectateurs opportunistes, attirés par le spectacle du sport de haut niveau, qui viennent par curiosité ou grâce à notre communication et la gestion de nos réseaux sociaux”.

Palais des Sports à guichets fermés

S’ils ne sont donc pas tous des “fans” des Burdis, les spectateurs sont néanmoins inclus dans une réelle stratégie d’animation et d’expérience-client. “Nous sommes un club encore trop jeune pour réellement parler de fan-expérience mais nous mettons en œuvre des animations inter-set, un show de danse, des interventions de notre nouvelle mascotte Aliénor et un parcours sur les espaces de restauration qui contribuent à une ambiance ininterrompue pendant le match. Et il y a bien sûr les dédicaces avec les joueuses qui sont toujours disponibles à la fin des matchs.”

Le parcours sportif a également fait venir de nouveaux supporters à l’occasion de la qualification en play-off, dont le premier match s’est joué contre les futures championnes de France, les Mariannes 92 de Levallois-Paris. Un gain d’attractivité pour une équipe qui avait déjà su séduire en saison régulière par “un spectacle aérien, puissant et plein de suspense”.

Une structuration et une gouvernance nationale à consolider

Un des éléments essentiels pour le développement du volleyball féminin professionnel est la croissance des revenus issus de partenaires. Sur ce plan, bien que les clubs travaillent chacun à augmenter leur part de recettes privées, il manque un apport net de la part de partenaires nationaux à l’échelle de la Ligue. L’exemple de Saforelle, namer et partenaire premium de la Saforelle Power 6 depuis l’été 2024 met en lumière la difficulté à ériger un modèle économique vertueux à l’échelle du championnat : “Le naming avec Saforelle, qui porte d’ailleurs énormément de pertinence au niveau des valeurs engagées, offre crédibilité et légitimité à la Ligue en tant qu’entité professionnelle. Mais les clubs ne bénéficient d’aucune retombée directe de la part de Saforelle, alors que les contraintes de sticking, de visibilité et de flocage de maillot, nous impactent directement.”

L’absence de droits de diffusion est également un point pénalisant pour les recettes des Burdis comme des autres clubs d’élite. Et bien que des moyens supplémentaires soient désormais alloués par la Fédération, dans un contexte de changement stratégique en direction du volleyball féminin, le retard pris par rapport aux masculins est conséquent.

“Les bons résultats de l’équipe de France en Ligue des Nations et depuis quelques saisons sont bénéfiques pour le volley féminin. Mais les partenaires économiques privés ne suivent pas forcément et certains clubs ont pu vouloir grandir trop vite, d’où les défections qu’ont connues des clubs de l’élite” réagit Valérie Pull. Mais Béatrice Knoepfler voit l’investissement de la Fédération Française comme un axe net d’amélioration pour la structuration et la professionnalisation réelle du championnat. “Au niveau national, la Fédération a opéré une prise de conscience du besoin de ressources du secteur féminin assez tardive. Mais il y a plus de moyens et plus de structuration au niveau de l’équipe de France, qui portent leurs fruits avec des résultats immédiats : une première participation aux Championnats du Monde depuis 51 ans !”

Au niveau du championnat, “le fait que les joueuses de l’équipe de France ne jouent pas en France est un handicap pour attirer des partenaires privés. Les investissements de collectivités sont aussi très disparates, ce qui influence des attitudes de gestion hétérogènes et parfois peu agiles pour des clubs pas habitués à la recherche de moyens privés. La capacité à rendre les clubs attractifs est un marathon, mais un marathon que l’on doit courir en tongs. Nous aux Burdis, nous essayons de proposer un modèle vertueux, car nous savons que les subventions publiques sont à un plafond et nous ne dépensons pas d’argent qui ne soit pas budgété selon nos ressources. Nous aussi, comme les joueuses, nous mouillons le maillot pour aller chercher ces recettes !”

La gouvernance de la Ligue Nationale de Volley doit également évoluer. Les clubs sont par exemple consultés sur le format du championnat “mais c’est a minima, sur 2 options, et nos propositions et alternatives ne sont pas forcément prises en compte” explique Béatrice Knoepfler, rejointe par Valérie Pull qui insiste sur la disparité de modèles et donc d’intérêts parmi les clubs pour parler d’une voix commune. “Mais il y a des tentatives d’organisation des présidents afin de faire évoluer la considération collective sur le volley féminin professionnel”.

Le contexte international, entre opportunités et menaces

Le développement très récent des ligues professionnelles américaines vient apporter une nouvelle concurrence aux clubs français, déjà soumis à l’attractivité italienne et turque. Que ce soit la Ligue Athletes Unlimited, la LOVB ou la MLV (dont la fusion avec le PVF est un marqueur de la croissance économique du volleyball féminin), elles attirent désormais les meilleures joueuses, mais aussi les joueuses formées en France, sensibles aux conditions financières offertes de l’autre côté de l’Atlantique. Une concurrence qui est accrue par les nouveaux moyens de la NCAA, le championnat universitaire américain, que la loi NIL autorise à rémunérer ses athlètes selon leurs recettes issues du marketing et de la publicité.

Cette concurrence fait craindre de nombreux départs parmi les joueuses de Saforelle Power 6, avec comme incidence une perte de compétitivité sportive. “Ce n’est pas un bon signal pour le développement du championnat” craignent les dirigeantes des Burdis, et ce alors que la présence au plus haut niveau européen du volley de clubs reste trop exceptionnelle.

Toutefois, la médiatisation de ces ligues, notamment sur les réseaux sociaux, ainsi que l’engouement naissant autour de l’équipe de France engagée aux Championnats du Monde “ne peut être que bénéfique à long terme pour le développement du volley auprès des jeunes filles, par sa visibilité et son aspect spectaculaire”. Une opération de séduction envers les jeunes générations de licenciées, pour une discipline qui possède un solide ancrage dans la culture sportive scolaire notamment, mais aussi récréative, avec sa variante du beach-volley, où là aussi les performances françaises peuvent susciter des vocations. Valérie Pull conclut : “Le volley féminin français doit trouver ces relais de joueuses “iconiques”, des joueuses capables d’attirer les jeunes filles vers le volley. En ce moment, en Thaïlande, on voit certains fans supporter Héléna Cazaute par exemple, un petit frémissement se fait sentir !” Avec le parcours historique de l’équipe de France, qualifiée pour la première fois pour les quarts de finale de la compétition (disputés le jeudi 4 septembre), nul doute que cela pourra inspirer de nouvelles générations.

 

* : Avec le changement de statut juridique, sous forme de SCIC-SAS, la coprésidence, non autorisée sous la forme SCIC-SAS, a évolué en binôme. Béatrice Knoepfler est Présidente et Valérie Pull est Directrice Générale.