Le modèle économique dans le handball féminin professionnel, l’exemple du Paris 92

Secoué par les écueils financiers de plusieurs clubs, dont la déflagration nantaise cet été, le handball professionnel féminin français tend pourtant à sécuriser son modèle économique, à la fois à l’échelle nationale de la Ligue, mais aussi à celle des clubs.

Après la parenthèse argentée des Jeux de Paris, Pierre Pradeau, Directeur Général du Paris 92 décrit avec transparence la stratégie du handball féminin dans la capitale. Partenaires, collectivités, masse salariale, quel héritage olympique pour le club qui a remis Paris sur la carte du hand européen cette saison ?

Le soutien des collectivités locales, support incontournable

A l’instar de l’ensemble du sport féminin professionnel, les clubs de handball engagés en Ligue Butagaz Energie composent des budgets avec une part prépondérante de soutien public : 46% en 2021 et toujours jusqu’à 70% pour certains clubs en 2024 .

Evolution des produits d’exploitation des clubs LBE – source CNCG 2022

Bien que faisant partie du cercle restreint des clubs établis en sociétés privées (avec Brest, Dijon, Metz et Toulon), le Paris 92 est également très soutenu par les collectivités locales « Nos principaux financeurs sont les collectivités, le département des Hauts-de-Seine (92), la ville de Paris et l’intercommunalité GPSO (Grand Paris Seine Ouest). Cela nous engage à être de véritables acteurs du développement du territoire » explique Pierre Pradeau, Directeur Général du Paris 92.

Alors que « les 3/4 du budget du club sont consacrés à la masse salariale » (60% de ratio sur l’ensemble de la Ligue Butagaz Energie), mais que « le denier public se fait rare« , savoir déterminer des ressources alternatives est néanmoins un enjeu de taille, et les clubs se structurent, se professionnalisent autour de cellules commerciales.

« Désormais, on a tous des commerciaux » – Sophie Palisse, présidente de l’UPCHF

L’apport des partenaires permet un « développement gagnant-gagnant pour stabiliser, pérenniser un projet ». A condition d’en établir une valeur et des objectifs. « Dans notre mission d’animation du territoire, nous construisons plusieurs actions sociétales qui fédèrent une communauté de fans, et sur laquelle veulent capitaliser les partenaires dans un objectif de notoriété et d’image, et de consommation potentielle. » Aujourd’hui à hauteur d’une « quarantaine de partenaires« , le réseau business du Paris 92 affiche une croissance notable qui ouvre à l’ambition : « notre plan de développement est d’atteindre 1 million d’€ de revenus partenariaux d’ici à 5 ans« 

Car le budget est le nerf de la guerre. Et le retour dans l’arène européenne du Paris 92, engagé et valeureux en EHF European League, tout autant que les joutes face au Brest Bretagne Handball et aux Dragonnes de Metz (8,65 M€ et 4,57 M€ de budget) révèlent ce qui sépare une 4ème place acquise la saison dernière d’un Top 3 constant.

« Notre territoire offre plus d’opportunités côté partenaires »

Au coeur d’une scène parisienne forcément concurrentielle sur les clubs professionnels, le Paris 92 compte toutefois sur une régionalisation avantageuse du côté du Grand Paris Seine Ouest : « le nombre d’entreprises implantées entre Issy-les-Moulineaux et Boulogne-Billancourt constitue un tissu économique très avantageux » reconnaît Pierre Pradeau, tout en affirmant la nécessité d’installer un sentiment d’identification au club des Lionnes. Et si la proximité avec les exploits olympiques aident à favoriser le contact avec les entreprises, elle n’augure en rien de la création de ce sentiment d’appartenance au club, qui se fonde sur une expérience de match forgée sur une saison entière, pas condensée sur un tournoi de 15 jours au caractère exceptionnel.

Le nombre d’entreprises implantées entre Issy-les-Moulineaux et Boulogne-Billancourt constitue un tissu économique très avantageux – Pierre Pradeau

Crédit : Laurence Bichon

Pour Pierre Pradeau, pour fidéliser les partenaires, il faut « changer de logiciel, et promouvoir une approche d’un club responsable, social, une approche que le sport féminin peut plus facilement appréhender aujourd’hui ». De là à conduire des synergies avec les autres ambassadeurs parisiens du sport collectif féminin professionnel (Mariannes 92, Paris FC) ? « Ce n’est pas à l’ordre du jour, car il y a des territorialisations différentes et des acteurs politiques distincts » Pas de co-opétition en vue à Paris, pour l’instant donc.

La fidélisation des spectateurs, une problématique parisienne spécifique

Autre axe de développement, la billetterie et la fan-expérience. Capable de réunir près de 4000 spectateurs en délocalisant un match face à Toulon au Palais Pierre de Coubertin, son écrin habituel Robert Charpentier compte une jauge de 1700 places. En étant situé au coeur d’une ville de mouvements pendulaires, la fidélisation n’est pas l’objectif prioritaire. « On n’imagine pas réaliser 1000 abonnés. L’enjeu consiste plutôt à construire une communauté de fans qui doit être très élargie en fonction du jour, de l’heure et de l’adversaire, et en notre capacité à cibler des publics différents, entre étudiants, collaborateurs professionnels des entreprises isséennes et familles.« 

Une diversité de segments qui, compilée dans un outil CRM adapté, permet de positionner des offres spécifiques à destination des particuliers mais aussi des partenaires, dont les tickets d’entrée varient d’un ordre de 1 à 10, avec une prestation d’entrée de gamme en centaines d’euros, et une variété adaptable des petits commerces isséens aux grands groupes installés sur le Grand Paris Seine Ouest.

En favorisant la diversité de ses affluences, le club mise donc sur une fan-expérience renouvelable dans les tribunes du Palais des Sports, capable de cultiver une appartenance recherchée et convertible en merchandising, alors que la boutique du club permet l’identification des supporters et curieux à travers maillots officiels, sweats et accessoires, garantissant une dernière ligne de revenus. Enfin, un travail croissant sur les plateformes sociales, à l’instar de Paris 92 TV sur YouTube, permet de fidéliser la communauté de fans sur le contenu « insider » spécifique aux médias digitaux.