La Boulangère Wonderligue, quels instruments de croissance ?
Après la formidable épopée des Jeux Olympiques, pendant lesquels l’Equipe de France, portée par une ossature très majoritairement domestique (14 des 18 joueuses évoluaient en France) a su démontrer la compétitivité sportive du basket féminin tricolore, les clubs de l’inaugurale La Boulangère Wonderligue ont-t-ils profité de l’engouement généré auprès de leurs partenaires ? Quelques éléments de réponse, agrémentés du témoignage de Pauline Gratton, directrice générale de l’UFAB 49, et actuellement 4ème du championnat.
Des budgets en hausse, les partenaires au rendez-vous
La signature du « naming » par le groupe La Boulangère avait marqué en fin de saison 2023-24 une nouvelle étape dans la structuration et la professionnalisation de la Ligue Féminine de Basket, concluant une nouvelle source de revenus dans un modèle pérenne depuis 1998.
A cette structuration de la gouvernance s’ajoute une structuration des clubs, avec désormais 6 clubs sur 12 organisés en SASP (Basket Landes, Villeuve-d’Ascq, ASVEL, Bourges, Chartres et Charleville-Mézières), offrant un socle à des logiques de co-opétition et d’accords de branche, comme la convention collective signée en septembre dernier. Le statut de société n’est cependant pas encore le sésame obligé pour développer ses performances commerciales, comme le prouve l’UFAB 49, top 4 en championnat, longtemps leader et dont la croissance du budget a pu compter sur une augmentation des revenus issus de partenariats. « Nous avons pu développer nos revenus issus de partenaires à +18% (moyenne LBWL 23/24 : +13%) , une hausse qui est majoritairement acquise grâce à nos efforts sur le spectacle présenté à Jean Bouin, confie Pauline Gratton, directrice générale du club angevin. Notre affluence, le remplissage de la salle et les animations mises en place sont des atouts importants pour fidéliser nos partenaires. » Des partenaires ciblés sur un périmètre départemental, fédérés au sein du réseau « 5 Majeur » que le club sait mettre en valeur malgré la forte densité du territoire en clubs de haut-niveau (SCO, Cholet Basket, EAB et surtout les Ducs d’Angers).
A l’échelle de la Ligue, le spectacle est en effet assuré par une affluence en hausse de 9%, à 1755 spectateurs en moyenne, pour un taux de remplissage à 75%. Une dynamique positive qui explique que les revenus partenariaux représentent désormais 51% des produits d’exploitation des clubs, un ratio en hausse de 2 points par rapport à la saison dernière et qui vient corriger des baisses relatives (en valeur) de la billetterie, la marginalité des ressources merchandising (vente de maillots notamment) et l’absence toujours handicapante de droits de diffusion.
L’effet JO, s’il peut expliquer la croissance du public spectateur, n’a pas eu de répercussion véritable sur les trésoreries des clubs. Entre l’incapacité d’accueillir tout le flux de nouvelles demandes, et les politiques particulières des clubs dans leurs territoires, les licences n’ont pas forcément participé à la consolidation des budgets. D’autant que celles-ci n’entrent pas dans une logique commerciale. « A l’UFAB, nous avons une politique de créneaux gratuits dans le cadre de notre action envers les quartiers prioritaires, hors logique de licence. Cela fait partie de notre ADN, puisque le club est né au coeur de Monplaisir (quartier classé QPV par la ville d’Agers, ndla) et nous permet de cultiver le lien avec les éducateurs et les jeunes de ces quartiers« , explique Pauline Gratton.
La concurrence de la WNBA, catalyseur d’une meilleure co-opétition
Parmi les 12 joueuses « à domicile » de l’aventure olympique, seules 4 sont encore présentes cette saison en Wonderligue : Alexia Chéry (ASVEL), Dominique Malonga (ASVEL), Romane Bernies (BLMA) et Leïla Lacan (Basket Landes, mais draftée par les Connecticut Suns en WNBA). Pour les 8 autres argentées de Paris, les ambitions les ont menées en Italie, Turquie mais surtout, à l’instar de Gaby Williams (Seattle Storms), vers la WNBA, la ligue américaine redynamisée depuis 2022.
Cette concurrence, sur le prestige et le salaire, est assumée sereinement par les clubs, à commencer par l’UFAB. « Nous devons reconnaître que nous sommes une ligue tremplin, tout en étant très compétitive, au sein de laquelle chaque match revêt un enjeu sportif fort, où les filles doivent jouer à fond chaque rencontre » explique Pauline Gratton. Les arguments pour attirer les joueuses ne manquent d’ailleurs pas, à commencer par la sécurité qu’offre la convention pour les joueuses et la stabilité des staffs « au contraire de la Turquie par exemple, où Mercin a connu 7 entraîneurs en 15 mois« .
L’écran gris de la médiatisation
Alors que les revenus partenariaux progressent, il reste un levier de développement sur lequel les clubs ne peuvent pas compter. L’échec Skweek passé, La Boulangère Wonderligue n’est diffusée que sur Sport En France, la chaîne du CNOSF, à raison d’un match par journée, de ponctuelles rencontres sur les antennes régionales de France 3, et la plateforme YouTube de la LFB, dont les audiences montrent l’intérêt portés par les fans, avec près de 4000 vues par match. Mais l’absence de diffuseur payant n’offre donc pas de ligne de revenu supplémentaire, et la situation est même potentiellement plus compliquée pour les équipes engagées en Europe (diffusée en streaming sur les chaînes YouTube de la FIBA). « Sur le protocole EuroCup, on paye pour la production et la captation des images, et c’est à nous de trouver des solutions relais pour équilibrer les comptes de production » regrette Pauline Gratton.
Et l’absence d’un diffuseur global sur la scène nationale ne permet pas non plus d’attirer des partenaires d’échelle supérieure, la sacro-sainte visibilité sponsoring n’étant pas activable. Néanmoins, les propos de Carole Force sur la « marketisation du produit Wonderligue » sont encourageants, et ont permis depuis (interview du 9 octobre) la signature d’un second partenaire global avec la MGEN. La valorisation de cet engagement sera nécessairement réinjectée dans l’économie des clubs. Une économie qui tend à consolider par ailleurs la hiérarchie au championnat, malgré des réussites ponctuelles comme la saison actuelle du petit poucet Charnay.
Le rôle des infrastructures
L’ASVEL au Palais des Sports, Bourges dans un Prado rénové, Basket Landes vers une nouvelle arène… le basket féminin voit ses écrins évoluer en faveur à la fois de la fan-expérience et des réceptifs B2B. Quant à l’UFAB 49, elle partage la salle Jean Bouin, un équipement municipal attenant au stade Raymond Kopa, avec les garçons de l’EAB. Et malgré un dialogue très positif avec la métropole, sa modernisation en faveur de plus grandes possibilités événementielles reste très contrainte: « nous aurions voulu un cube pour l’expérience immersive du public, mais les services techniques nous ont opposés la non-faisabilité technique », explique la directrice angevine. Les offres d’hospitalités se limitent enfin à l’espace réceptif surplombant le parquet, et ne proposent pas d’assise « premium » dans la prestation globale. Un handicap, une relative frustration comparativement aux investissements réalisés par la Ville sur les équipements du Haras pour les garçons du handball, pourtant largement moins rayonnants sportivement, ou à l’IceParc, mais les Ducs du hockey sont une vitrine reconnue, vainqueurs récents de la Coupe de France.
Avec une capacité de 2750 places, la salle Jean Bouin reste un outil apprécié par ses deux clubs résidents. Mais sa relative obsolescence constitue un frein à la croissance des partenariats privés, alors même que la conjoncture contraint directement le soutien public, comme en témoignent les invectives des différents acteurs du sport. Avis à Christophe Béchu, président de la Métropole…