Bilan du mercato – Football – Janvier 2025

Cette année, à la faveur d’un marché qui gagne en maturité, la FIFA a publié pour la première fois une version hivernale de son « Women’s professional football international transfer snapshot ». L’opportunité de décrypter les enjeux économiques (voire géopolitiques) qui sous-tendent les mouvements de ce mercato d’hiver 2025.

Un marché en croissance

Premier constat, le nombre de mouvements est en nette hausse (+23 %). Une tendance portée d’abord par les mouvements en Amérique du Sud (+63 %), en Europe (+21 %) et en Afrique (+19 %).

Cette hausse des mouvements s’accompagne d’une hausse des transferts payants, puisque sur la fenêtre estivale, la FIFA enregistrait 10% de transferts « permanents » alors que sur ce mercato hivernal, la proportion s’élève à 13,8%, avec 63 accords sur 455.

Naturellement, la hausse du nombre de transactions payantes entraîne une hausse des valorisations. On assiste donc à une croissance double du marché des transferts dans le football féminin, à la fois en volume, mais surtout en valeur, avec une indemnité moyenne cet hiver 97 800 $, contre 67 200 $ à l’été 2024, soit une hausse spectaculaire de 45,5 %.

Une polarisation challengée par de nouveaux pouvoirs sportifs et économiques ?

Alors qu’à l’issue de l’été 2024, le trio USA (NWSL), Angleterre (WSL) et Espagne (Liga F) formait un triangle d’attractivité très forte, on constate sur cette fenêtre hivernale un modèle plus dispersé, avec la relégation (relative) de l’Espagne et des Etats-Unis au profit notamment du Maroc, de la Suède, de l’Argentine ou de l’Arabie Saoudite. Sur le critère des sommes investies, on retrouve la compétitivité européenne et américaine, mais aussi l’attractivité saoudienne.

Avec le contexte d’une fenêtre de mi-saison, les constats sont forcément partiels. Toutefois l’attractivité saoudienne et marocaine reflète la hauteur des investissements réalisés par les deux pays en faveur de la féminisation du football. La Saudi Women’s Premier League attire grâce à un contexte culturel et financier les joueuses européennes, sud-américaines et africaines depuis sa création en 2022, pour porter une vision à la fois externalisée (prise de participation saoudienne dans DAZN, principal diffuseur du football féminin mondial) et domestique.

Le Championnat Féminin Marocain, professionnel depuis 2019 et la création de la Ligue Nationale de Football Féminin, consolide sa position de leader sur le continent (+45,5 % de mouvements entrants). On observe d’ailleurs la différence dans le modèle institutionnel en constatant l’âge des joueuses enregistrées, en nette hausse en Arabie Saoudite (28,6 ans ; + 2,8) et en légère baisse au Maroc (22 ans; – 1,0), soit près de deux ans inférieure à la moyenne mondiale, démontrant le caractère « post-formateur » du championnat marocain.

La France, quant à elle, si elle maintient sa place sur l’investissement en valeur, portée par les dépenses record de l’Olympique Lyonnais ou du PSG, voit son attractivité diminuer avec une baisse continue des mutations entrantes (-11 %) et un doublement des mutations sortantes (+100 %).

La hausse des prix des transferts, symbole de la financiarisation des acteurs

A l’image des transferts de Naomi Grima vers Chelsea et de Tarciane Karen Dos Santos à l’Olympique Lyonnais, pour respectivement 1,05 M€ et 780 k€, le marché a continué sa progression en valeur, avec 9 des 10 transactions les plus chères de l’histoire réalisées entre 2024 et 2025, dont 3 sur cette seule fenêtre (Grima, Tarciane et Walsh) directement dans le top 5.

Mais cette hausse des dépenses est « amortie » par une augmentation de la durée des contrats offerts aux joueuses. Ainsi, alors que la FIFA observait une moyenne de 1,5 ans en 2023, la NWSL propose désormais des contrats autour de 4 ans quand le top des transferts de 2025 s’est engagé sur des durées de 4,5 ans. Cette stratégie comptable reflète la hausse des participations de fonds financiers parmi les actionnaires des clubs autant que la consolidation des modèles économiques au sein des ligues les plus puissantes (NWSL, WSL) avec des droits audiovisuels en hausse constante depuis 2022.

Quelle dynamique pour les fenêtres prochaines ?

Avec la refondation du modèle de la NWSL (suppression de la Draft, calquage du calendrier sur l’Europe) et l’effet de loupe des compétitions continentales (Euro, Copa America), le mercato estival 2025 devrait confirmer voire accentuer la croissance du marché, notamment en valeur. Le déploiement d’une nouvelle compétition de clubs en Europe devrait quant à lui redessiner encore les pôles d’attractivité des joueuses autour de l’Italie, l’Allemagne, la France ou le Portugal (déjà 7ème pôle global en 2025 et 2024) tout en consolidant les positions de superpuissances de l’Angleterre et des Etats-Unis.

Les pôles périphériques du Maroc, du Mexique et de l’Arabie Saoudite continueront à structurer leurs modèles, avant les échéances de 2026 et les compétitions africaines, asiatiques et d’Amérique du Nord.