Wonderligue La Boulangère, prolonger le rêve bleu
Alors que la saison 2023-24 s’était achevée sur les presqu’exploits de Villeneuve d’Ascq en Euroligue et surtout celui de l’Equipe de France qui a bien cru dominer les Etats-Unis en finale du tournoi olympique, une nouvelle saison s’est ouverte sur les parquets du championnat féminin, désormais nommé La Boulangère Wonderligue, où évoluaient 14 des 18 finalistes de cet été bleu argenté.
Les actualités de ce nouveau partenaire titre et de la nouvelle convention collective signée entre la Ligue et les joueuses, une avancée sociale majeure, constituent un pas supplémentaire dans la professionnalisation et la structuration d’un championnat reconnu par certains comme le meilleur d’Europe, et c’est dans ce contexte que l’on a pu échanger avec l’une des principales architectes de cette structuration, la Présidente de la Ligue Féminine de Basket, Madame Carole Force.
Madame Force, merci de m’accorder cet échange, votre temps aussi. La volonté d’ecosportwomen est de mettre en avant les initiatives et les acteurs de l’écosystème sportif féminin, et avec la LFB, la Wonderligue La Boulangère dorénavant, il y a cette actualité directe sur l’action sociale avec la signature de la convention collective, est-ce que selon vous, c’est aussi un critère d’attractivité pour le championnat ?
Alors déjà, effectivement, alors déjà on est ravi que cet accord sectoriel ait été signé. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une convention collective, mais d’un accord sectoriel, puisque la convention collective, en fait, couvre une relation avec l’employeur, or là, l’accord sectoriel, c’est un accord entre toutes les parties prenantes du basket professionnel féminin, à savoir entre l’Union des Clubs de Ligue Féminine de Basket (UCLFB), le Syndicat des Coaches (SCB) et le Syndicat des joueurs et joueuses (SNB).
Ce qui est intéressant, c’est de voir se concrétiser aussi le travail parallèle qui était mené avec la Fédération de basket pour opérer la compatibilité avec les règlements de la Fédération, du moins en tout cas les faire évoluer s’il y avait effectivement besoin de le faire. On a pu travailler avec l’ensemble des partenaires sociaux, et si ça ne constitue pas, je n’irais pas jusque-là, un critère d’attractivité pour les joueuses d’autres championnats, c’est un plus social pour les joueuses, qui peut contribuer à leur volonté de rester dans nos clubs, avec un impact en matière de protection qui est intéressant, en particulier sur les questions de maternité, un enjeu croissant dans les discussions du sport professionnel féminin. Nous avons cette chance d’avoir des partenaires commerciaux, au niveau des clubs et de la Ligue, tout à fait pilotes dans l’accompagnement à la santé des femmes, et cet accord sectoriel est aussi le reflet des engagements que nous prenons avec nos partenaires.
Est-ce que l’attractivité du championnat a évolué avec l’épopée de la sélection jusqu’à cette finale contre les Etats-Unis ?
Et pas seulement la sélection olympique! C’est tout un été qui a été remarquable pour nos sélections, tant en 5 qu’en 3×3, et chez les jeunes, avec de l’or et de l’argent aux Championnats d’Europe. Mais les Jeux Olympiques ont un retentissement et peuvent rejaillir effectivement sur une appétence que peuvent avoir certaines filles en regardant des images, soit à la télé soit en présentiel et se dire “j’ai envie de venir voir ça, j’ai envie d’aller au basket”, elles s’identifient à telle ou telle joueuse qu’elles ont pu voir évoluer sur le terrain.
Le plus incroyable, c’est la puissance d’avoir eu ces Jeux en France, et cela jouera forcément sur l’appétence d’une jeune fille dans un désir, un choix de rejoindre un club sportif, et de tendre ce choix vers celles qui lui ont mis des étoiles dans les yeux. Mais c’est encore un petit peu tôt pour le savoir, le recul est encore court, et nous bénéficions au basket d’une situation positive, avec tout de même plus de 725000 licenciés soit plus que le record d’avant COVID.
Ce qu’on espère justement sur un héritage des jeux, c’était d’avoir effectivement un vivier de joueuses encore un peu plus important avec des jeunes filles qui ont envie de jouer au basket. L’impact de la médiatisation de ces Jeux sera d’abord là. Et ça peut aussi donner envie à des partenaires, qui peuvent, par l’image qu’on a renvoyée durant les Jeux, avoir envie de rejoindre des clubs ou nous rejoindre, comme La Boulangère, qui nous offre cette chance d’être associé à la Ligue.
L’image qu’on a renvoyée durant les Jeux peut donner envie à des partenaires commerciaux de nous rejoindre, et nous permettre de capitaliser au niveau marketing et communication
Dans tous les cas, il faut capitaliser sur les résultats obtenus, et en effet travailler aussi à être présent au niveau marketing et communication.
Quel est-il justement ce rôle de la Ligue sur le plan marketing et communication, est-ce qu’il y a cette volonté de votre part d’accentuer par exemple la médiatisation? On constate aussi l’essor de la question des enceintes, des infrastructures ?
Les deux sont liés, sur la médiatisation, il y a forcément d’abord l’élection des salles, des espaces qui accueillent les matches. De sorte de sélectionner des enceintes plus propices à promouvoir de belles images du basket, une sonorisation adaptée, une panneautique. Et le travail mené sur les enceintes et gymnases est lui très structurant quant à la pratique du basket, en faisant le distingo entre des équipements modernes et des salles omnisports parfois veilles de 50 ans. Et une fois l’équipement à jour des évolutions et des attentes, la Fédération peut accompagner les collectivités dans leurs démarches de rénovation, de création ou de déménagement du gymnase. Il n’y a d’ailleurs pas de modèle proéminent, entre Bourges, épicentre historique du basket féminin et dont la salle a été rénovée et modernisée, ou Chartres et son superbe Odysséum, ou encore l’ASVEL qui déménage. vers le Palais des Sports.
Depuis l’équipement, la salle, l’effet de modernisation permet d’engager une meilleure captation audiovisuelle, qui sera gage de spectacle, donc susciter l’adhésion… et ainsi enclencher le cercle vertueux de la croissance auprès des licenciés et des partenaires.
Mais ce travail marketing, il ne date pas de cet été, c’est un travail continu depuis 4 ans et le début de mon mandat. On a voulu définir le “produit Ligue Féminine” et entre autres dimensions, concevoir donc le packaging des matches de basket féminin en France et on s’est attaché à co-construire avec les clubs engagés le protocole d’entrée des joueuses, une identité sonore, un hymne conçu avec Dissonnances pour lequel on est fiers d’avoir remporté le Grand Prix d’Or au printemps dernier. Nous avons mis en oeuvre, co-construit avec les clubs le cahier des charges de l’organisation d’une rencontre Wonderligue, de manière à professionnaliser, standardiser la logistique et la communication auprès des partenaires, de la disposition des sponsors maillots aux animations des panneautiques.
Associés aux contacts noués dès 2020 avec Sport en France, ça nous a permis de réaliser un galop d’essai dès l’année dernière avec la diffusion des matches sur la chaîne, plus les play-offs qu’on a pu proposer avec France 3 Régions, l’accord ensuite avec Skweek autour d’un match par journée, et bien sûr les rencontres sur la chaîne YouTube de la Ligue, sur laquelle on parvient à faire 5000 vues par match. Ce qui dans la globalité, revient donc à deux matches par journée de championnat hors YouTube.
Ce sont cette médiatisation, le protocole de diffusion et la qualité accordée à l’image diffusée à chaque match qui ont pu conduire à l’attractivité de la Ligue pour des nouveaux partenaires. Notamment celui qui nous ravit, c’est ce partenariat titre qui nous unit avec La Boulangère.
Justement, est-ce que vous pouvez raconter la genèse de ce naming par La Boulangère ?
C’est une collaboration qui nous ravit vraiment, en premier lieu car il s’agit d’un grand groupe industriel, et que nous avons pu nous retrouver sur des valeurs qui résonnent entre les deux marques. On aurait refusé de s’associer avec une entreprise aux valeurs radicalement éloignées des nôtres. Leur ancrage dans le sport féminin a été un élément décisif, car ils accompagnaient déjà l’Equipe de France de Handball, même si ce sont des contextes d’activation différents, bien sûr. Et enfin, nous nous retrouvons dans leur identité et leur culture de la proximité, c’est un élément qui nous ressemble quand on regarde la géographie de nos clubs, qui à l’exception de Lyon, sont issus de bassins de populations moins denses, nous nous reconnaissons dans la notion de péri-urbanité. La proximité, l’identité familiale des produits La Boulangère se retrouve aussi dans l’échelle de nos publics, avec des affluences moyennes à 3500 spectateurs, il y a cette proximité, cette convivialité, le rapport familial entre un club et des supporters. En tout cas, en remontant le temps de la création de la Ligue, il y a déjà 26 ans, nous sommes très fiers de voir des partenaires de l’envergure de La Boulangère s’engager auprès championnat de France de basket féminin. Quelle évolution en un quart de siècle !
La Boulangère et la Ligue partagent des valeurs communes, c’est un partenaire qui nous ressemble, dans la proximité, dans le souci de la qualité
Est-ce que cette réussite vous en inspire une autre pour la LF2 ?
C’est probablement très prématuré d’envisager un partenaire titre pour la LF2. Après un quart de siècle à structurer la première division, il faut prendre les étapes sereinement et observer celles qui suivent pour la deuxième division, un championnat où les contraintes structurelles sont plus nombreuses, avec une part de revenus privés qui progresse, certes, mais qui ne peut pas se substituer encore à la subvention publique. Nous avons cette exigence de pouvoir garantir la pérennité financière des clubs devant les organes et commissions de contrôle comme la DNACG. Donc il faut d’abord que l’on continue à travailler avec les clubs pour les professionnaliser dans leur organigramme, les fonctions supports, la formation… Le choix fort du passage à 14 clubs, c’est une première solution pour sécuriser des clubs dans la division et créer les conditions de promotions moins abruptes, où l’écart entre les deux divisions n’est pas insurmontable, où l’on maintient une compétitivité du club promu, pour aussi préserver la qualité du produit Wonderligue.
Donc pérennisons d’abord, et n’allons pas trop vite. Nous voulons d’abord parvenir avec les clubs de LF2 à structurer les organisations, professionnaliser les écosystèmes.
Carole Force a porté le maillot de l’Equipe de France de basket-ball dès la fin des années 80 et a pu voir évoluer, grandir le basket féminin puis le basket professionnel avant d’en tenir les rênes. Traditionnellement adossé à des clubs exclusivement féminins, le basket féminin voit, depuis l’ASVEL de Tony Parker et Marie-Sophie Obama, un nouveau modèle émerger, symbolisé aussi par l’intronisation de la section féminine du Paris Basket.
Face à cette évolution, et aux contraintes qu’elle peut susciter, nous avons posé la question à sa présidente de l’opinion de la LFB au sujet des clubs “mixtes”.
Déjà, pour évoquer le Paris Basket, il faut saluer le projet car cela faisait évidemment trop longtemps qu’il n’y avait pas eu de club à Paris. Me rappeler le Racing (1992) c’est me rajeunir jusqu’à mes premières années de joueuse, quand il y avait 4 clubs de région parisienne en D1. Le projet semble ambitieux, mais le club n’évolue encore qu’en 4ème division, il reste des étapes.
Pour Lyon, la présence de Tony Parker est un cas particulier, il a souhaité unir les deux entités, est-ce que si cet actionnariat évolue, l’organisation perdurera, c’est une question qu’on peut se poser.
A propos des contraintes relatives aux sections féminines de clubs masculins ou mixtes, c’est vrai qu’il peut y avoir cette crainte, dans des situations d’arbitrage économique de savoir quelle section est sacrifiée (les actualités ne plaidant pas en la faveur des sections féminines, ndlr). Mais plus que sur l’opposition section masculine/section féminine, il faut se poser la question de la taille des marchés, et du fléchage des investissements de partenaires sur des bassins économiques qui sont, on l’a évoqué tout à l’heure, modestes en superficie. Est-ce que les partenaires commerciaux veulent diriger leurs actions vers le club féminin, motivés d’ailleurs peut-être par des activations en RSE, est-ce que les cultures d’entreprise s’associent mieux avec le sport masculin? Je crois qu’il faut raisonner plus au cas par cas qu’imaginer des généralités.
Forte d’une gouvernance saine et stable, avec un développement linéaire et croissant (budgets moyens en hausse à 2,7 millions € pour la saison 24/25), la Wonderligue La Boulangère embrasse les enjeux de l’héritage olympique avec optimisme, tout en maintenant le cap d’un développement raisonné. Sa présidente, témoin privilégiée de l’évolution du basket français décrit un tableau dont on voit ressortir le cadre comme l’élément structurant de toute la réflexion stratégique autour d’un produit, d’une image de marque, celle d’un spectacle sportif sorti renforcé de cette olympiade.