Mercato football féminin 2024
Chaque année, à la clôture du mercato d’inter-saison, la FIFA publie son « International Transfer Snapshot », qui présente une vue détaillée des mouvements de joueuses entre les clubs sur la période d’ouverture du mercato d’été. Alors qu’en Première Ligue Arkéma, on retient les arrivées notables de Mary Earps, Griedge Mbock au Paris-Saint-Germain ou Tabatha Chawinga à l’Olympique Lyonnais, le marché français a connu un certain nombre de départs marquants, dont Delphine Cascarino, Sandy Baltimore ou Maëlle Lakrar pour ne citer que les internationales.
Dans un marché du football au féminin en constante évolution depuis 2020, les flux de joueuses peuvent révéler les différentes forces en présence.
Un marché de plus en plus polarisé
En 2023, il était prédit une consolidation des hiérarchies de flux, notamment en se projetant sur les opérations de multi-propriété et des stratégies d’investissement en Women’s Super League (Angleterre) et en National Women Soccer League (USA). Ainsi, alors qu’on retrouvait en 2023 une polarisation autour de l’Espagne, l’Angleterre et des Etats-Unis, le classement des dépenses réalisées sur le mercato estival 2024 ainsi que celui des flux entrants confirment cette hiérarchie.
Les transferts, symbole d’une économie de mieux en mieux structurée
Bien que largement minoritaires (109 sur les 1125 mouvements enregistrés cet été, soit 9,69%), les transferts payants sont en nette augmentation, tant en volume qu’en valeur. Ainsi, sur l’année 2023, les transferts impliquant une indemnité représentaient 151 mouvements sur 1888, soit 7,99%. En valeur, on peut considérer l’indemnité moyenne dépensée, valeur fournie par la FIFA :
Cette augmentation montre autant la hausse de la proportion des transferts payants démontrée plus haut, qu’une inflation des sommes mises en jeu, portée notamment par la NWSL et la WSL, aux moyens économiques en forte hausse. Ainsi, les 4 plus gros transferts de l’histoire ont été réalisés en 2024, et concernent les trois puissances majeures du football féminin mondial.
La croissance des revenus commerciaux en NWSL va nécessairement conforter le tropisme de la NWSL sur les joueuses confirmées, d’autant que la ligue américaine qui a accueilli Delphine Cascarino, Amandine Henry et Perle Morroni a entériné une réforme salariale avantageuse dont l’un des autres effets sera d’aligner son calendrier sur les saisons européennes.
Transferts et géopolitique mondiale
Dans le tableau précédent, on constate que les deux transferts les plus onéreux de l’histoire concernent deux joueuses africaines et si cela marque une valorisation de la montée en puissance du football féminin africain (exemple de la sélection marocaine), cela ne saurait constituer un symbole de son poids économique. Premièrement, les transferts des principales « stars » européennes et américaines coïncident avec les fins de contrat (Mary Earps, Lucy Bronze, Viviane Miedema, Delphine Cascarino), D’autre part, sur le mercato d’été 2024, le premier pays africain exportateur de joueuses, le Kenya, n’est que 21ème, alors qu’en signatures entrantes, le Maroc n’est que 11ème. Les flux concernant l’Afrique sont donc plutôt internes et périphériques, avec une logique notamment de plus-value sur le développement des joueuses, puisque l’âge moyen des joueuses sortantes des fédérations africaines suit une tendance de rajeunissement, en étant inférieur de 2 ans aux joueuses sortantes issues d’Amérique du Sud (Conmebol), d’Europe (UEFA) ou Concacaf (Amérique du Nord) :
La proportion de transferts payants est également représentative de la situation périphérique de l’Afrique, en comparaison avec l’Europe. Ainsi, on dénombre seulement 2,72% de transferts payants issus de la CAF contre 11,49% des transferts sortants pour l’UEFA.
Néanmoins, la structuration du football féminin africain s’intensifie, avec le développement de la Women’s Champions League depuis 2021 et les programmes de féminisation promues par la CAF et la FIFA (non sans obstacle et scandale, comme en Zambie).
Quelle compétitivité pour la France ?
Porté par le pouvoir économique et d’attraction des deux locomotives parisienne et lyonnaise, le championnat français voit ses clubs investir de plus en plus dans les transferts (+ 48% de l’indemnité moyenne de transferts entre les deux mercatos d’été 2023 et 2024). Mais ces sommes sont réparties sur un volume de flux plus contraint, avec une baisse de 15% des mouvements entrants enregistrés. Mais la spécificité du marché des transferts féminins, avec la prépondérance de la fin de contrat entrave peu la compétitivité des clubs, notamment ceux engagés en Ligue des Champions, puisqu’on a pu voir la gardienne internationale des vice-championnes du monde, Mary Earps, prendre la place de Constance Picaud dans les buts parisiens. A Lyon, le rayonnement et le palmarès européen constituent des atouts majeurs dans l’attractivité du club, auxquels s’ajoutent désormais l’incorporation du club au sein du MCO Kynisca, véritable amplificateur des flux de transferts, autant que catalyseur de la puissance économique.
Néanmoins, les difficultés structurelles de la LFFP, autour des affluences et des conditions de performance, ainsi que la contraction des moyens alloués par les clubs parents masculins (cf Bordeaux, Montpellier), font peser un risque de déclassement dans la dynamique du renforcement des effectifs parmi les « grandes » ligues.