La WTA, entre croissance et enjeux d’égalité

A quelques jours de l’US Open et des premiers sets disputés à Flushing Meadows, au Billie Jean King National Tennis Center, saisissons la balle au filet pour évoquer les enjeux liés à la WTA, sa croissance, ses défis.

Une ligue en plein essor

Propulsée par une génération de joueuses très mondialisée, à l’image d’Iga Swiatek (polonaise, n°1 mondiale), Coco Gauff (américaine, n°3), Qinwen Zheng (chinoise, n°7), Ons Jabeur (tunisienne, N°17), Naomi Osaka (ex n°1, japonaise) ou Beatriz Haddad (brésilienne, n°27), la WTA connaît une croissance commerciale et médiatique sans précédent.

Valorisée désormais à près de 750 millions $, depuis le rachat par CVC Partners de 20% des parts de l’organisation, la WTA est la ligue sportive féminine avec la plus forte croissance commerciale, enregistrant une hausse à + 26% de partenariats (source : SponsorUnited), soit 1080 contrats de sponsoring/diffusion/merchandising en cours.

En termes d’audiences, malgré le boycott diplomatico-sportif chinois, la WTA a franchi le seuil du milliard de téléspectateurs, un chiffre qui devrait continuer à progresser avec le retour des tournois à la télévision chinoise via un accord avec Youku, probablement lié aux résultats de Qinwen Zheng, finaliste du tournoi olympique notamment.

Les audiences TV sont poussées et complétées par un dynamisme digital sans équivalent dans l’industrie du sport professionnel féminin, puisque 4 tenniswomen figurent dans le Top 5 des sportives ayant le meilleur volume d’engagement sur les réseaux sociaux, Iga Swiatek en tête avec 17,1 millions de réactions à ses nombreux posts, dont ceux promouvant ses 11 sponsors personnels. Au nombre d' »endorsements », la WTA est loin devant les autres ligues, avec 8 tenniswomen parmi les 10 athlètes les plus sponsorisées.

A noter que c’est Instagram qui capte le plus de volume (75% des interactions) mais c’est TikTok qui génère le plus d’engagements parmi les fans (4,12% contre 3,8% sur instagram).

Un accord avec le fonds souverain saoudien au coeur de la stratégie de croissance future

En mai dernier, le PIF (fonds souverain saoudien), très actif sur le marché du sport mondialisé, annonçait la signature d’un accord de naming sur le « ranking » WTA, le classement mondial, prolongeant un partenariat avec l’organe gouvernant du tennis féminin, puisque les Finales des saisons 2024, 2025 et 2026 seront organisées à Riyadh, avec un prize money record et très attractif.

Ce partenariat, critiqué par certaines joueuses, vise entre autres objectifs (ceux du royaume, à l’agenda sportif et sociétal chargé) à financer une meilleure égalité de traitement entre les joueuses et les joueurs, car c’est l’enjeu fondamental qui anime la WTA, combler l’écart et les inégalités persistantes avec l’ATP.

Les inégalités genrées, sources de tension et enjeu majeur de la croissance du tennis au féminin

Malgré des records commerciaux, la WTA ne « pèse » qu’un quart de la valorisation de son pendant masculin, la puissante ATP. En cause, et malgré des succès de diffusion retentissants, comme notamment à l’US Open, des inégalités dans les programmations des matches et des tournois.

Source : The Athletic

Ainsi, en 2019, les droits TV de la WTA étaient 41% inférieurs à ceux de l’ATP. De fait, quand les hommes ont l’honneur des « night sessions » lors des Grand Chelem, les femmes sont majoritaires dans les sessions matinales, ce qui crée une distorsion dans les audiences mesurées, et un biais sur la conclusion que « les joueurs attirent plus le public que les joueuses ».

Au niveau des gains en tournoi également, il reste une grande part d’inégalité sur les circuits masculin et féminin.

En résulte des difficultés d’égalités de revenus, illustrée par la revendication des joueuses pour obtenir un accord de revenu minimum garanti selon le barème suivant (qui a été validé par le syndicat des joueurs avec l’ATP) :

  • 500 000 $ pour les joueuses du top 100
  • 200 000 $ pour les joueuses du 101ème au 175ème rang mondial
  • 100 000 $ pour les joueuses jusqu’à la 250ème place

Cette revendication s’accompagne d’une meilleure prise en charge des congés maternité, car malgré la sauvegarde du ranking pendant 3 ans, il n’y a pas de garantie sur les revenus, alors que sans prize money et parfois sans sponsor, certaines joueuses ne peuvent se permettre de concilier vie maternelle et compétition.

La croissance du tennis féminin, dont on verra quelques vitrines à partir du 26 août, est donc source de nombreux challenges, sur un terrain, le sociétal, qui ne manquera pas d’hawkeye pour témoigner des progrès réalisés.

Article déjà publié en lien avec le thème : https://ecosportwomen.fr/2024/07/27/le-tennis-feminin-parite-economique-a-deux-vitesses/