Pour les handballeuses, l’eldorado roumain et hongrois
Championnes olympiques et du monde en titre, les handballeuses de l’Equipe de France ont l’opportunité d’inscrire à Paris une nouvelle ligne d’un palmarès aussi dense qu’unique, et une 3ème victoire olympique consécutive! Pourtant, le handball féminin français marque aussi l’actualité par une nouvelle défaillance, avec la liquidation des Neptunes de Nantes, 3ème de Ligue Butagaz Energie (LBE) et de la dernière European League. Comment expliquer ce paradoxe ?
Une dichotomie économique forte en Ligue Butagaz
En handball comme dans la plupart des sports professionnels, la réussite sportive est très indexée sur la puissance économique. Ainsi, selon des données publiées par la Commission Nationale de Contrôle et de Gestion, il y a une corrélation parfaite entre le classement en LBE et les produits d’exploitation commerciale.
En effet, en Ligue Butagaz, les produits d’exploitation totaux (subventions et recettes de partenariat) sont captés par un nombre très restreint de clubs. De fait, 31% des produits d’exploitation cumulés profitent à 2 clubs : le Brest Bretagne Handball et le Metz Handball. Et cette ultra-concentration se répercute sur les salaires offerts aux joueuses, avec une nette différence entre le salaire moyen (3056 € bruts) et médian (2535 € bruts). Effet explicatif de ce delta, la CNCG recense 4 joueuses émargeant à plus de 10 000 €.
Il y a donc une domination bicéphale du handball féminin, par la puissance économique concentrée de Metz et Brest, qui sont les représentants français en EHF Champions League, la compétition continentale reine.
En handball, l’Europe centrale est bien au centre de l’Europe
Le club le plus titré en EHF Champions League est le club hongrois du Györ Audi ETO, vainqueur de l’édition 2024 (et 2013, 2014, 2017, 2018, 2019) et club des internationales françaises Hatadou Sako et Estelle Nze Minko. Au palmarès des 10 dernières années, on retrouve aussi le club des Vipers de Kristiansand (Norvège) et le CSM Bucarest (vainqueur en 2016), l’ex-club de Laura Glauser, Grâce Zaadi et Laura Flippes.
Pour la comparaison, le Metz Handball n’a pas encore remporté la Ligue des Champions, malgré une présence hégémonique en « Final 4 ». L’attrait sportif justifierait-t-il l’exil ? En partie, mais surtout la possibilité de rémunérations beaucoup plus avantageuses. Avec un budget estimé à 30 millions €, Györ, sponsorisé par le géant automobile Audi, représente 400% du budget brestois, estimé à 7 millions d’euros. Pour attirer les meilleures joueuses, dont la capitaine de l’Equipe de France, les salaires sont concurrentiels, En 2018, le salaire de Nora Mork, internationale norvégienne du club hongrois, était estimé à 22 000€ mensuels.
Une manne financière dont dispose aussi le club roumain du CSB Bucarest, puisqu’en 2023, 5 joueuses du club percevaient plus de 10 000 € mensuels, dont Grâce Zaadi et Laura Glauser.
Un alignement impossible pour la Ligue Butagaz ?
En 2021, 6 clubs de LBE étaient sous statut associatif, dont le Metz Handball. Fortement subventionnées par la collectivité publique territoriale, les associations (Metz Handball, Piraths, Toulon Var Métropole…) ne peuvent pas engager des salaires décorrélés des ressources apportées. Quant aux SASP comme le Brest Bretagne Handball ou les Neptunes de Nantes, l’actualité récente montre que l’écosystème est encore trop précaire pour tenter un pari d’investissement massif sur la masse salariale, sans mécène à très grande surface financière. Le développement d’arenas, et l’engouement des territoires (publics, partenaires PME) insufflé par la réussite de la sélection nationale pourra toutefois nourrir une croissance linéaire des ressources des clubs, comme en témoignerait le retour des internationales Laura Flippes ou Grâce Zaadi,