Vincent Ponsot, notre première question est assez simple : un peu plus de six mois après l’annonce des grands changements, êtes-vous satisfait de l’évolution du club ?
Nos projets avancent. Cette année, on avait effectivement trois objectifs importants : le lancement de la nouvelle marque et de notre nouveau nom, le fait de jouer tous nos matchs au Groupama Stadium et notre projet de centre d’entraînement.
Sur le premier point, ça a été une décision très difficile parce qu’on est les premiers à faire cela. Au sein d’un même club, créer deux entités avec deux identités différentes, ce n’est pas simple. Il y a le poids de l’histoire avec l’OL, le palmarès, et il n’était pas question pour nous de s’en détacher complètement. Mais pour bâtir l’avenir, il était essentiel de définir notre propre identité, d’avoir une marque en adéquation avec notre essence et avec le message que l’on porte.
Le logo est au cœur de cette démarche. De manière très personnelle, je l’adore. Il est moderne, premium, et surtout cohérent avec notre stratégie. Le choix de la lionne plutôt que du lion n’est pas anodin : il exprime clairement ce que nous voulons incarner. Les retours ont été très positifs, avec une adhésion rapide de notre public.
Dans l’écosystème du football féminin, notre démarche a reçu un écho très favorable. La semaine dernière, à Manchester, j’ai passé deux heures avec les équipes de Manchester United, une référence mondiale en matière de marque. Pendant plus d’une heure, ils m’ont parlé de notre nouveau logo, qu’ils trouvent remarquable. Qu’un club avec une marque aussi puissante que Manchester United s’intéresse à notre démarche et nous donne un retour positif, c’est une validation supplémentaire.
La partie la plus complexe dans ce rebranding, c’est le nom. Le lien avec l’OL et avec la ville de Lyon est fondamental pour nous, et nous souhaitions absolument le préserver. Avec le recul, je pense que nous aurions pu être plus pédagogues dans notre communication, afin de favoriser une adoption plus rapide et de laisser moins de place aux interprétations ou aux critiques faciles.
Justement, comment avez-vous travaillé l’adoption du nouveau nom, notamment auprès des médias ?
Globalement, je trouve que le logo et le nom OL Lyonnes sont quand même bien repris dans les médias. Ce n’est pas simple, quand on s’est appelé Olympique Lyonnais Féminin pendant si longtemps, de faire changer les usages. C’est un travail de tous les jours. Par exemple, quand on a joué à Dijon la semaine dernière, ils avaient bien mis notre logo OL Lyonnes partout, mais le speaker disait encore Olympique Lyonnais Féminin. On est allés le voir et il a tout de suite changé. C’est de l’éducation.
Sur la partie branding au stade, avec les moyens dont on dispose, je trouve que ce qu’on a mis en place tient la route, même si on peut toujours faire mieux.
Vous avez sorti très rapidement une première collection de merchandising OL Lyonnes. Ce n’est qu’un début ?
Notre marque est un actif incroyable pour tout ce qu’on souhaite faire en marketing, en image, en message. Avoir réussi ce changement, pour nous c’est essentiel pour la suite.
Après cette première collection restreinte qui a été très appréciée, notre objectif, c’est vraiment de sortir des collections lifestyle. Et nous allons le faire en partenariat avec Adidas, qui nous soutient totalement dans ce projet et a fait des efforts pour accélérer ses process. Je veux ici souligner la qualité de notre partenariat avec Adidas qui nous accompagne vraiment. Je ne parle pas uniquement de l’aspect financier, mais aussi de l’accompagnement stratégique. Il faut ainsi savoir que notre nouveau logo a été finalisé en septembre 2024 (officialisé en mai 2025). Et alors que les cycles habituels de fabrication sont de deux ans, nos maillots cette saison portent déjà ce nouveau logo.
Et puis, nous venons de lancer notre premier maillot spécifique OL Lyonnes, que l’équipe portera à l’occasion du match d’UEFA Women’s Champions League contre l’Atletico Madrid. C’est une étape importante pour la construction de notre identité.
Le deuxième point majeur, c’est le Groupama Stadium dans lequel l’équipe avait déjà joué, mais pas de manière permanente. J’imagine que pour les joueuses, c’était quand même une très bonne nouvelle.
Oui, c’est clairement un magnifique outil de travail. Cela montre qu’en face de nos paroles, on met des actes.
La question de la pertinence d’un grand stade pour une équipe féminine revient souvent, et je la comprends. Objectivement, une jauge inférieure à 58 000 places serait sans doute plus adaptée aujourd’hui. L’emplacement du stade n’est pas idéal non plus. Mais il faut revenir à la genèse du choix. Il était fondamental pour nous d’avoir un outil à la hauteur de ce qu’est notre équipe féminine. Continuer à jouer au centre d’entraînement ou dans des stades inadaptés n’était plus envisageable. Aller jouer durablement en dehors de Lyon non plus. Il a donc fallu être pragmatiques et trouver un accord avec le Groupama Stadium. Sur ce point, il n’y a aucun regret.
C’est un gros challenge pour nous. À nous d’être plus performants pour faire grandir notre public notamment en travaillant bien tout ce qu’il y a autour des matchs : je pense notamment aux animations avant/pendant/après match, à la mise en avant de la nouvelle marque, à la connexion entre les joueuses et les supporters, à l’atmosphère dans le stade. On a un public très fan, mais aussi très respectueux, très familial, très bon enfant. Pour l’instant, c’est plutôt une réussite. On est en forte progression mais on doit encore faire mieux.

Faire du Groupama Stadium votre stade de référence engage le club dans un projet structurant, qui se construit dans le temps. Comment abordez-vous ce chantier ?
Pour moi, c’est multifactoriel. La qualité du stade est un facteur, mais ce n’est pas le seul. Il y a une appétence de la population pour le sport féminin. Mais il faut passer du stade où il y a une appétence à celui où les gens viennent réellement au stade.
Il y a aussi la concurrence de tous les autres spectacles. Aujourd’hui, quel que soit le spectacle, la concurrence est énorme. On a le cinéma, le théâtre, les concerts, les autres événements sportifs. Vouloir accueillir un public dans un stade de piètre qualité, ce n’était plus possible. On a amélioré la qualité de l’accueil. Maintenant, on doit aussi s’améliorer nous-mêmes, notamment en marketing et en communication.
Et enfin, il faut que notre environnement soit à l’écoute des attentes de notre public. Par exemple, notre diffuseur. Si on programme des matchs à 21h en semaine, ce n’est pas adapté à un public familial. Le lendemain, il y a école. En Angleterre, les matchs le dimanche en début d’après-midi fonctionnent très bien. En Ligue des champions, en semaine, c’est beaucoup plus compliqué. Sur le premier semestre 2026, on va avoir plusieurs matchs à domicile un mercredi soir à 19h ou 21h. Ce sont des freins à notre développement.
Et c’est intéressant aussi de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs.
Aujourd’hui, sur ces sujets-là, les Anglais et les Américains sont des références. Arsenal en particulier. Après, il faut toujours prendre en compte les différences culturelles. Donc il ne s’agit pas de faire comme les uns ou les autres mais de regarder les différents modèles.
La NWSL a une affluence moyenne supérieure à 10 000 spectateurs, et ils progressent tous les ans, même avec une qualité de spectacle footballistique moindre, parce que les meilleures joueuses sont aujourd’hui en Europe. Les Allemands commencent aussi à faire des choses intéressantes, avec une stratégie d’utilisation des grands stades en événementiel. Le Bayern a fait plus de 57 000 spectateurs sur un match en début de saison, ce qu’ils n’avaient jamais fait auparavant. Ils ont aussi une gouvernance qui évolue, avec la création d’une ligue indépendante.
Nous nous sommes donné des objectifs élevés. C’est un défi important qui nécessite un travail de fond. On développe nos bases de données, on touche des publics de plus en plus différents, on arrive à convaincre de plus en plus de personnes de venir au stade.
Il faut ce travail progressif, et puis on a besoin d’un déclic. Si je prends l’exemple du Barça, le déclic est venu avec un match au Camp Nou à 90 000 personnes. En Angleterre, le déclic est venu avec la victoire à l’Euro 2022, mais ce n’est pas arrivé par hasard. Nous, il faut qu’on soit prêts le jour où ce déclic arrivera. Est-ce que ce sera un très gros match au Groupama contre le Barça en demi-finale de Ligue des champions ? Est-ce que ce sera une victoire de l’équipe de France ? Je ne sais pas.
« Il faut qu’on soit prêts lorsque le déclic se produira, mais surtout qu’on essaie de le provoquer. » – Vincent Ponsot, CEO d’OL Lyonnes

Le changement de gouvernance à l’OL masculin fait-il évoluer votre réflexion sur le public adressé ?
Je ne sais pas répondre précisément. Ce que je sais, c’est que les synergies possibles entre les deux sont multiples et que le fait que Michele Kang soit devenue présidente du club masculin favorise ces synergies. Ce qui est certain, c’est qu’une partie du public du football masculin doit venir vers le football féminin. Pour nous, ce serait un élément déclencheur majeur. Le problème, c’est que les gens qui regardent beaucoup de football masculin comparent souvent quand ils viennent voir du football féminin. Il faut donc faire un travail d’éducation sur la manière de regarder ce sport.
Vous avez fait le choix d’une billetterie uniquement payante cette année.
Oui. Les années précédentes, c’était important de favoriser les invitations pour recréer une dynamique perdue depuis le Covid. Ça démontre aussi que l’appétence existe, puisque quand on a fait de grandes campagnes d’invitations, on a fait deux fois 25 000 spectateurs et une fois 40 000.
Au-delà de l’aspect financier, c’est un principe. Quand on va voir un film, on paie. Quand on va voir un match de football féminin, on paie. Il n’y a pas de raison que ce soit différent. On a adapté les tarifs à notre public. Le réseau football féminin est à 5 euros. En général, on est entre 8 et 15 euros avec des offres pour les familles, pour les jeunes. On reste très accessibles et on est capable d’attirer 10 000 et 20 000 spectateurs sans invitations. Ce n’est donc pas un frein.
Sur les hospitalités, le challenge est aussi important. Quelle est votre approche ?
On partait de zéro. On a réussi à passer un premier cap, en particulier grâce à la proximité avec les joueuses disponibles pour venir en salon à la mi-temps (pour celles qui ne jouent pas) ou après les matchs. Pour se développer davantage en volume, il faut créer quelque chose de différent de ce qui existe ailleurs. Il faut trouver notre propre “place to be”, différente de celle du football masculin. On a également créé des forfaits flexibles adaptés à notre public qui ne vient pas à tous les matchs : un volume de places utilisables au choix sur la saison.
On innove régulièrement. Sur le match contre l’Atletico Madrid, on organise une conférence sur la grossesse et le sport de haut niveau et on va battre notre record de ventes d’hospitalités. L’an dernier, la conférence sur l’endométriose avait été un grand succès et nous recommençons cette année avec trois événements.
OL Lyonnes fait partie de la galaxie Kynisca de Michele Kang. Quelles sont vos relations avec les autres clubs (London City Lionesses et Washington Spirit) ?
On est dans la même famille. Il y a des relations cordiales et amicales. Il peut y avoir des échanges de bonnes pratiques, des discussions sur des prêts de joueuses, mais il n’y a aucune obligation. Ma priorité reste le projet OL Lyonnes. Kynisca n’est pas un modèle multi-clubs comme dans le football masculin. Chaque club a ses propres objectifs.
L’intérêt, c’est surtout de mutualiser certains investissements qu’un club de football féminin ne peut pas assumer seul. Le meilleur exemple, c’est la recherche sur les méthodologies d’entraînement adaptées au corps des femmes. Michele Kang a recruté plus de vingt scientifiques au sein du Kynisca Hub pour travailler sur ces sujets. Ils produisent des études scientifiques et de la data. Aujourd’hui, il y a encore beaucoup de questions sans réponse, notamment sur les blessures, les ligaments croisés, les cycles menstruels, les méthodologies d’entraînement. Il faut faire avancer la science. Le Kang Institute annoncé récemment s’inscrit dans cette logique. Les travaux sont ouverts à tout le secteur.
Nous, on a un avantage d’accès et d’expérimentation, mais la vocation est que tout le secteur progresse. Les clubs sont la partie visible. Mais il y a tout le travail de fond engagé par le Groupe Kynisca pour développer toute l’industrie de ce sport.
En devenant indépendant de l’OL, et avec tous les projets évoqués, on comprend que vous devez être dans une phase de structuration interne importante.
Sur la partie sportive, on a été indépendants très rapidement. On a aujourd’hui un staff de 24 personnes dédiées à l’équipe féminine, avec un gros focus sur la performance. Sur la partie business et administrative, on a organisé l’autonomie dans le temps. On a signé un accord de services partagés avec l’OL, parce qu’on ne pouvait pas tout changer d’un coup. Au départ, on était quatre, en se concentrant sur le marketing et les contenus. L’été dernier, on a franchi une deuxième étape, en arrêtant les services partagés sur la partie commerciale et média. Aujourd’hui, on est quatorze salariés dédiés. Certaines fonctions restent mutualisées, comme la finance ou les ressources humaines. L’objectif, à terme, est l’autonomie complète, notamment quand on aura notre centre d’entraînement et nos propres bureaux.
Justement, le centre d’entraînement ?
On avance très bien. Les process administratifs en France sont complexes, donc je ne peux pas encore donner de date précise. Mais le projet est très avancé. Ce sera un centre unique, avec cinq terrains, une unité de lieu entre l’équipe professionnelle et l’académie, un internat, et surtout un centre pensé pour les spécificités des femmes. Ça va de la physiologie aux méthodologies d’entraînement, mais aussi aux espaces de vie et de détente. Ce sera une première en France, et probablement dans le monde en dehors des clubs Kynisca. L’horizon est d’environ deux ans et demi.
Dernière question plus personnelle : après des années passées dans le sport masculin avec des responsabilités importantes, êtes-vous content d’être le CEO d’OL Lyonnes ?
Oui, très. Je voulais un projet différent, retrouver du sens. J’ai une propriétaire avec une vision incroyable et des moyens. Les joueuses sont extraordinaires et méritent beaucoup mieux. Ça donne envie de se battre tous les matins. Même quand c’est dur, il y a beaucoup d’indicateurs positifs. On progresse sur beaucoup de choses, même si je reste exigeant et parfois sur ma faim. Le sport féminin est un secteur en croissance. Il faut de l’investissement. Si l’investissement vient, je n’ai aucun doute sur le résultat.
