Le tennis féminin, parité économique à deux vitesses
Ce samedi 27 juillet s’ouvre aux JO Paris 2024 le tableau de tennis, avec la présence de la majorité des « têtes d’affiche » des circuits principaux ATP et WTA. L’occasion de décrire le paysage économique du tennis professionnel féminin, qui malgré des promesses, peine à conquérir la parité économique.
Prize money, l’égalité conquise au sommet
L’égalité de la récompense financière en Grand Chelem est un chemin ancien, mais dont l’aboutissement est récent. On doit notamment à l’illustre Billie Jean King la revendication d’un US Open paritaire en prize-money, ce qui aura lieu dès 1973. Il faudra attendre néanmoins 28 ans pour voir l’Australian Open en faire de même (2001) et encore 6 ans de plus pour que les conservateurs Wimbledon et surtout Roland-Garros ne proposent le même montant aux vainqueurs des 2 tableaux (2007).
Mais cette parité en Grand Chelem cache en réalité des disparités persistantes sur le reste du circuit professionnel, malgré un paradoxe : c’est une femme qui domine en 2024 le classement des gains cumulés, Iga Swiatek, avec 6,68 M$ remportés.
Mais c’est bien un paradoxe, puisqu’en observant les deux courbes masculine et féminine, on constate bien que les tenniswomen gagnent structurellement moins que les tennismen. La faute à une dotation très inégalitaire sur les plus petits tournois. En effet, si une majorité des tournois « 1000 » offre un prize-money paritaire, ce sont les tournois « 250 » et « 500 » (en référence au nombre de points du classement international qu’ils procurent) qui sont sensiblement moins dotés sur le circuit WTA. De fait, même Serena Williams, qui a remporté près de 95 M$ en carrière, n’est pas sur le podium des joueurs aux plus grands gains (quatrième).
Une inégalité que les instances prennent en considération, mais selon un calendrier au long cours, puisqu’il faudra attendre au moins 2033 pour voir aboutir l’égalité de traitement en récompense.
Inégalités de diffusion
Il existe une autre disparité dans le tennis professionnel dans le traitement entre les joueurs et les joueuses, et c’est la diffusion. Ainsi, la programmation télévisuelle (ou streaming) des matches est largement en faveur des hommes, avec l’exemple honteusement illustre de la dernière édition de Roland-Garros, dont les 11 « night sessions » diffusées par Amazon ont mis à l’honneur… 11 matches masculins.
L’Arabie Saoudite, chèque en blanc pour une meilleure répartition salariale ?
Dans un contexte où chaque sport professionnel recherche de nouvelles ressources, la WTA s’est finalement (après de longues réserves portées par des joueuses et anciennes joueuses) tournées vers le fonds souverain saoudien, le PIF, pour développer ses revenus avec également l’instauration des Finales WTA à Riyadh jusque 2026 au moins, assorties d’un prize-money très largement réhaussé : 15,25 M$ cette saison.
Toutefois ces gains, malgré des accords de redistribution en négociation, ne seront disponibles qu’à une élite et de participeront pas pleinement à améliorer la condition économique des joueuses « anonymes » post-50ème rang mondial.
De la difficulté de trouver des sponsors
En effet, les joueuses, plus encore que les joueurs, peinent à financer leur circuit. Une saison professionnelle coûte cher, et puisque la médiatisation est un enjeu encore total sur le circuit féminin (voir les travaux de Marine Fontaine, in « Les sportives dans les médias, pp 291 à 307), avec la visibilité associée, très peu de partenaires dépassent la réticence de s’engager avec les tenniswomen. Celles-ci doivent contourner des écueils nombreux : risques de blessures bien sûr, avec des interruptions sportives induites, mais aussi le rapport à l’érotisation des corps et questions liées à la maternité. La digitalisation des audiences, avec l’essor des communautés Instagram, X, LinkedIn permet à un nombre croissant d’athlètes d’engager des publics avec elles, ce qui peut permettre aux sponsors de trouver leur « ROI » mais il s’agit d’un levier qui reste chronophage, limité à des compétences techniques de community management, et surtout demandeur d’un story-telling puissant (à l’instar de Raducanu, Gauff, Osaka…) que toutes les joueuses ne savent pas mobiliser.
Il reste donc un chemin encore long, dans le sillage de celui tracé par Billie Jean King en 1972, pour que les tenniswomen gagnent une reconnaissance égale à leurs homologues masculins.