“Nous agissons bien au-delà de la diffusion” : l’engagement fort de l’EBU (European Broadcasting Union) pour le cyclisme féminin

L’EBU ou UER, (Union Européenne de Radiodiffusion) est un acteur clé et engagé pour la diffusion du sport féminin en Europe (et au-delà). Nous avons interviewé Frédéric Sanz, Head of Summer Sports and Cycling.

À l’heure où le sport féminin conquiert de nouveaux territoires médiatiques, certaines institutions jouent un rôle clé pour faire de cette progression une réalité durable. Principale alliance mondiale des médias de service public, l’UER négocie des contenus sportifs à l’échelle mondiale au nom de ses membres et partenaires.

Frédéric Sanz nous éclaire sur la stratégie d’acquisition de droits sur les compétitions cyclistes féminines et insiste sur le fait que l’engagement de l’UER dépasse la simple retransmission. Depuis désormais de nombreuses années, l’organisation structure une stratégie globale pour accélérer l’exposition du sport féminin, professionnaliser ses standards, et influer sur la transformation en profondeur des pratiques éditoriales.

Pouvez-vous nous expliquer le rôle et le fonctionnement de l’UER ?

« L’UER regroupe les médias publics européens ainsi que quelques membres privés, dont ITV (Royaume-Uni) ou les deux chaînes TV2 (Norvège, Danemark), ces dernières étant particulièrement importantes dans la diffusion du cyclisme dans ces deux pays. L’organisation compte également des membres associés extérieurs à l’Europe.

Notre fonctionnement est différent de celui des agences privées. Nous collectons les offres des chaînes membres sur les différents droits disponibles et négocions ensuite avec les détenteurs de droits (ASO pour le Tour). C’est un point fort de notre positionnement dans l’écosystème moderne de la diffusion sportive, puisque les organisateurs savent à l’avance sur quels territoires et sur quelles chaînes ils vont être visibles. Nos membres garantissent en outre une couverture large grâce à des taux de pénétration qui sont supérieurs à 95% des populations de chaque pays. 

Nous travaillons également en partenariat avec Eurosport avec la possibilité de complémenter notre offre (Eurosport couvrant l’intégralité des courses sur l’ensemble du territoire européen, parfois donc en parallèle des Membres EUR et d’autres fois en totale exclusivité) sur des territoires stratégiques ou de conquête par rapport au développement du cyclisme (c’est-à-dire des territoires où le cyclisme est généralement plus “nice-to-have” que “must-have” pour une large part des populations concernées). Fin 2024, nous avons prolongé notre partenariat avec ASO jusqu’en 2030, ce qui témoigne de la pertinence de notre offre. »

Le potentiel de “reach” est donc très important pour les compétitions diffusées, dont le Tour de France Femmes avec Zwift.

« C’est un potentiel comptabilisé sur l’ensemble de nos chaînes membres et partenaires. Sur le Tour de France Femmes avec Zwift, le prochain accord signé avec ASO inclura, au-delà de WBD Eurosport, des chaînes de Membres UER :  TV2 au Danemark, RTVE en Espagne, NOS aux Pays-Bas, , RTBF et VRT en Belgique auxquels se sont ajoutés MTVA en Hongrie, et la SRF_SRG en Suisse qui désormais va diffuser les étapes en direct, alors qu’elle n’avait qu’une offre magazine dans le précédent accord. Les chaînes SRF-SRG auront donc l’opportunité de diffuser le Grand Départ organisé à Lausanne en 2026, preuve de l’aura du Tour de France Femmes avec Zwift qui, comme son homologue masculin, suscite l’intérêt de villes et pays européens pour organiser le Grand Départ. La RAI, qui diffuse les épreuves féminines des “Classiques” ne couvrira pas l’épreuve féminine qui sera donc exclusif en Italie sur les chaînes du groupe WBD Eurosport. »

Les dernières négociations avec ASO portent sur plusieurs compétitions, masculines et féminines jusqu’en 2030. Les droits sont-ils couplés ou bien les compétitions sont-elles valorisées séparément ?

« Historiquement, et jusqu’au contrat qui nous a liés jusqu’en 2025, les contrats étaient séparés. Les droits des compétitions récemment créées, comme Paris-Roubaix Femmes et le Tour de France Femmes avec Zwift nous ont été proposés de manière distincte. De la même manière, notre contrat historique avec la Vuelta a été complété par un accord pour la Vuelta Femenina.
Lors de la mise en marché des nouveaux droits, sur la période 2026-2030, tous les contrats ont cette fois été mis en négociation de manière globale et après les avoir acquis, nous avons pu communiquer sur 2 grands tours hommes, 2 grands tours femmes, les classiques hommes et femmes ainsi que les courses d’une semaine. Toutefois, toutes les chaînes ne vont pas distribuer l’ensemble des épreuves couvertes par l’accord (18 courses) et les négociations sont donc segmentées par compétition et par territoire, en modulant parfois l’amplitude horaire de la diffusion selon les pays. »

France Télévision négocie directement avec ASO et assure la captation audiovisuelle de l’épreuve. Cela a-t-il un impact sur la diffusion internationale ? Y a-t-il des équipes dédiées de l’UER pour la réalisation ?

« Ce sont les équipes de France Télévision qui, sous l’égide d’ASO l’organisateur, ont la responsabilité de la captation. Cela a peu d’impact pour la diffusion vers les pays concernés par l’accord de l’UER. C’est d’ailleurs un fonctionnement courant, avec un diffuseur national qui organise la production sur le territoire où se déroule l’épreuve, ici la France, et met à disposition le « feed » pour les autres diffuseurs et les autres marchés. À l’organisateur et détenteur des droits, ASO, de s’assurer que le signal, même s’il aura forcément une touche française, mette en valeur le plus large spectre de nationalités dans le peloton. Tout ceci est fait dans les règles de l’art entre ASO et France Télévisions. »

S’agissant du cyclisme féminin, l’UER se félicite “d’accorder la priorité à l’accessibilité et à la couverture du sport féminin”. Est-ce que le statut public de l’UER oblige à un engagement spécifique envers le sport féminin ?

« Il y a deux types de sports. Les sports, tels que l’athlétisme ou le biathlon, dont les épreuves se déroulent simultanément. Pour ceux-ci, les droits ont toujours été vendus ensemble. C’est également le cas pour les Jeux Olympiques et Paralympiques, et les droits sont donc globaux, sans distinction entre épreuves masculines et féminines. Pour le tennis ou le cyclisme, les épreuves sont autonomes du point de vue du calendrier la plupart du temps, hors Grand Chelem en tennis par exemple, qu’elles soient bien ancrées comme la saison de WTA ou plus récentes en cyclisme.

En tant qu’émanation de chaînes publiques, il y a un engagement fort pour le développement du sport féminin. Lorsque c’est possible, nous nous positionnons sur les droits. Et nous agissons aussi au-delà de la diffusion. Ainsi, Elsa Arapi, Senior Sports Rights Manager et leader du Women in Sport Project à l’UER, engage le réseau et ses membres sur des thématiques globales et notamment sociétales, par exemple la manière dont le sport est produit, en œuvrant à mettre la lumière sur certains stéréotypes de production, qu’ils soient volontaires ou non.

Le portefeuille de sports de l’UER est résolument paritaire, nous détenons aussi les droits des compétitions féminines de football, de basket-ball et c’est un angle fort du fait de la mission de service public, au-delà des questionnements économiques. »

Au-delà de la diffusion, l’engagement de l’UER en faveur du sport féminin vise donc à « normaliser » la place du sport féminin dans le paysage médiatique, en renforçant sa couverture et en assurant une représentation équitable des athlètes.

Dans cette dynamique, un groupe-expert dédié au sport féminin a été constitué dès 2019 et structure ses travaux autour de trois axes : stratégique, commercial et opérationnel. Parmi ses initiatives : favoriser l’exploitation des droits féminins, identifier de nouvelles opportunités de diffusion, partager des bonnes pratiques éditoriales, proposer des formations, et construire des partenariats avec des acteurs clés comme la FIFA, l’ONU Femmes, la Commission européenne ou le Conseil de l’Europe. 

En 2020, l’UER a également publié un manuel de référence — Reimagining Sport – Pathways to gender-balanced media coverage — devenu depuis un outil pédagogique intégré à la médiathèque olympique. À travers cette mobilisation collective, l’UER affirme son ambition : faire du sport féminin non pas un événement exceptionnel, mais une composante à part entière du quotidien sportif des publics européens et internationaux.