Le sponsoring dans le tennis au féminin, étude de cas – Mai 2025

Avec l’ouverture du tournoi principal de Roland-Garros 2025, c’est l’occasion de présenter les résultats d’une étude ecosport women sur les sponsors des joueuses et de découvrir combien le tennis féminin reflète les enjeux actuels du sponsoring, entre recherche de visibilité et engagements hors du terrain.

Source : instagram @leolia_jeanjean

La visibilité sportive, un enjeu toujours essentiel

Il y a quelques mois, la WTA affichait avec fierté ses résultats d’audience pour la saison 2024. Avec 1,1 milliard de spectateurs cumulés, soit une hausse de 10% par rapport à 2023, en partie grâce au développement du réseau Tennis Channel, et une audience digitale elle aussi croissante, portée fin 2024 à 6,4 millions de « followers » sur les réseaux de la WTA, la visibilité du tennis féminin progresse. A l’échelle des joueuses, le top 10 (ranking 19 mai 2025), auquel on peut ajouter les individualités particulières d’Ons Jabeur, Beatriz Haddas Maia et Naomi Osaka, cumule 19,6 millions de followers sur Instagram (quand Novak Djokovic en compte à lui seul 15,7 millions), mais seules 3 joueuses comptent une communauté supérieure à 2 millions.

Avec une visibilité socio-numérique moins importante que les joueuses de basket-ball et de football, les tenniswomen doivent donc compter sur une exposition médiatique directement corrélée à leurs performances sportives.

Or, les joueuses du circuit principal sont soumises à des contraintes de genre puisque, d’après une étude publiée en janvier 2025 par Sophia et Irina Manole, les joueuses n’ont bénéficié que de 36,6 % du temps de couverture à l’US Open. Ainsi, pour bénéficier d’un temps d’exposition à l’écran comparable aux hommes, les tenniswomen doivent franchir des tours de qualification supplémentaires, dans les tournois les plus importants, donc les plus sélectifs.

En ce qui concerne les tournois moins « prestigieux » (WTA 125 & 250), on observe de plus une très forte disparité de gains avec les tournois masculins équivalents. Cette double disparité rétrécit donc fortement l’assiette sportive des profils disponibles pour les annonceurs.

Ainsi, pour les joueuses, les revenus issus de partenariats diminuent drastiquement entre le top 10 et le reste du top 100 (à l’exception de Naomi Osaka et Emma Raducanu), augmentant la dépendance au gains issus de tournois.

Pour les athlètes issues des marchés émergents, le rôle décisif du soft power

Parmi les joueuses au profil économique atypique, on a choisi de focaliser l’étude sur Qinwen Zheng, Ons Jabeur, Mayar Sherif, Beatriz Haddad Maia et Elena Rybakina.

En effet, par leurs origines géographiques, ces joueuses représentent des atouts de prescription et d’influence pour des marchés soit à forte consommation intérieure, soit engagés dans les efforts de diplomatie sportive.

Pour Elena Rybakina, kazakhe et 12ème joueuse mondiale, ses performances en tournoi sont autant d’opportunités pour rendre visibles le drapeau de son pays aux yeux du monde. A l’exemple de l’équipe cycliste Astana, l’Etat kazakh investit très fort sur ses atouts sportifs et l’on constate donc sans surprise la présence de RBK Bank, Kaz Minerals et Kazakh Mys, 3 entreprises nationales parmi les sponsors principaux de la joueuse, tout juste vainqueur des Internationaux de Strasbourg 2025, et qui lui ont assuré des revenus estimés à 4 M$ en 2024.

Beatriz Haddad Maia est la première brésilienne à avoir atteint les 1/2 finales d’un tournoi du Grand Chelem, en 2023. Alors que le tournoi a été marqué de l’empreinte de Gustavo Kuerten à l’ère précédent celle de Rafael Nadal, le Brésil découvre une nouvelle ambassadrice pour son tennis. Avec l’érosion du football de sélection, le profil de l’actuelle n°23 mondiale offre une image renouvelée à la fois pour le rayonnement du Brésil sur la scène sportive internationale, et une figure fédératrice (457k followers sur Instagram) pour les annonceurs de son marché domestique, dont ses sponsors principaux Bauducco, Itau et Prudential.

Mayar Sherif est la joueuse la mieux classée de l’histoire du tennis égyptien, hommes et femmes confondus. Dans un pays dominé par le squash dont la médiatisation est plus confidentielle que la balle jaune, Mayar Shérif offre à la nation une représentation internationale, et ce alors que l’Egypte investit depuis de nombreuses années sur le sport en tant qu’outil d’affirmation continentale et mondiale. La joueuse, qui a étudié en Californie, est donc soutenue par d’importantes entreprises égyptiennes, dont ORA, le conglomérat du milliardaire Naguib Sawiris, et Banque du Caire, établissement public et 4ème capitalisation nationale.

Ons Jabeur est la joueuse arabe ayant obtenu le meilleur classement de l’histoire (n°2 mondiale en 2022) et la première joueuse tunisienne, africaine et arabe à avoir atteint les finales de 2 tournois du Grand Chelem, Wimbledon (2022) et l’US Open (2021). Quand le fonds souverain saoudien engage ses investissements massifs dans le sport mondial, et en particulier dans le tennis, Ons Jabeur, classée 50ème des sportifs les plus marketable en 2023, apparaît comme l’ambassadrice régionale du soutien de la première puissance arabe au sport féminin et est donc sponsorisée entre autres par Kayanee, un équipementier sportif saoudien détenu par le PIF, et la marque de dattes Milaf, elle aussi appartenant via la société Al Madinah Heritage Company, au fonds souverain saoudien.

Enfin, dernier exemple de stratégie territorialisée parmi les annonceurs, le cas de Qinwen Zheng, n°8 mondiale et championne olympique l’été dernier à Paris. La joueuse chinoise, qui a succédé à Li Na au palmarès des joueuses chinoises ayant atteint une finale de Grand Chelem (bien que Li Na reste la dernière à en avoir remporté un), est devenue une icône au pays. Egérie de Dior, Lancôme, Audi ou Beats by Dre, la joueuse offre à ces marques un visage inspirant, sur un marché essentiel à leur croissance compte tenu de la consommation intérieure. Elle permet aussi à la Chine, qui diffuse à nouveau les tournois de WTA sur son territoire via la plateforme Youku et un nouveau partenariat avec Tencent, de réincarner le tennis féminin chinois de manière positive, après le scandale #whereispengshuai en 2021. Pour entériner le soutien de Qinwen Zheng, celle-ci bénéficie donc de l’appui économique des géants nationaux Alipay et Vivo. La championne olympique en titre a enregistré ainsi près de 15 M$ pour l’année 2024.

Pour les territoires de marque, une évolution lente

En février 2024, Sponsor United publiait un rapport présentant les tendances du marché du sport féminin sous le prisme du sponsoring. Les principales catégories actives recensées étaient dans l’ordre « Finance », puis « Alimentation », « Santé », « Boissons alcoolisées » et « Boissons non alcoolisées ».

En 2025, l’étude réalisée par Ecosport Women sur le top 100 des joueuses WTA démontre une segmentation des catégories très similaire, avec toutefois une présence importante de marques issues du secteur de l’horlogerie et la joaillerie (min 7 sur les 100 premières joueuses mondiales) et une première place des marques automobiles.

Le territoire de marque des annonceurs évolue donc peu, fondé sur le luxe et l’hédonisme individuels, même si l’on peut observer une montée en tendance des considérations sociétales, avec les marques associées à la maternité et l’empowerment professionnel.