Servir l’intérêt du sport professionnel féminin par une revalorisation des chaînes de télévision locales
La finale aller de Challenge Cup de volley-ball (Coupe d’Europe) entre les Neptunes de Nantes et Novara (Italie) a conduit à une (nouvelle) situation de blocage entre l’engouement local/communautaire des passionné.e.s de volley et l’absence de diffuseur. Suite à une mobilisation largement relayée sur les réseaux sociaux, les Neptunes ont finalement pu trouver une co-diffusion pour la finale retour de ce mercredi 28 février, grâce à l’accord conjoint entre Télénantes et Sport en France.
https://www.francebleu.fr/emissions/100-sport-l-actu/les-neptunes-volley-vont-etre-diffusees-pour-leur-finale-de-coupe-d-europe-le-mercredi-28-fevrier-2024-6837057
Si l’engagement de Sport en France, chaîne du CNOSF anciennement diffusée en streaming web, est relativement “logique” compte tenu de l’identité olympique du volley-ball, l’investissement de Télénantes suscite plus de curiosité au regard du contexte médiatique du sport professionnel féminin.
En effet, les chaînes de télévision “territoriales” sont un relais qui trouve un regain de visibilité en ce qui concerne le sport.
En France, le segment régional est associé historiquement à France 3 Régions, dont l’identité et le positionnement sont renforcées depuis septembre 2023, qui engage la ligne éditoriale dans un ancrage local fort.
https://www.francetelevisions.fr/et-vous/notre-tele/a-ne-pas-manquer/france-3-amplifie-son-ancrage-regional-19992
Dans le cadre de ce renforcement territorial, on peut mettre en avant l’exemple des finales LFB (Ligue Féminine de Basket-Ball), diffusées en partie sur les décrochages régionaux concernés (https://basketlfb.com/actualite/83494). Le support technologique de la télévision numérique permet par ailleurs une accessibilité depuis l’ensemble du réseau national à l’antenne régionale de son choix (canaux 300 et plus de la TNT).
En complément de ces décrochages régionaux, on peut affiner la vision en analysant l’offre de couverture proposée par les chaînes de télévision locales, qui peuvent assumer une diffusion ponctuelle sur des affiches fortement événementialisées. Ainsi, Télénantes ou Mirabelle TV (Metz) ont été régulièrement les hôtes des Neptunes ou des Dragonnes dans le cadre des rencontres de Ligue Butagaz-Energie (Handball féminin).
https://www.republicain-lorrain.fr/societe/2020/09/19/viamoselle-tv-plus-de-fc-metz-et-de-metz-handball
Dans un contexte mondial d’engouement et d’affluences croissants autour du sport féminin, les télévisions locales ont un rôle à jouer dans l’accessibilité médiatique des clubs féminins.
On peut prendre en exemple le cas des Phoenix Mercury, franchise arizonienne de WNBA (Basket US), qui ont pu conclure un accord conjoint avec la ligue pour céder des droits de diffusion hertzienne à Gray, opérateur régional.
Depuis cet accord, les audiences des rencontres des Mercury, jusque-là diffusées par câble (ABC étant le diffuseur officiel de la ligue) ont été multipliées par 6.
Cette augmentation n’a par ailleurs pas affecté la fréquentation de l’arena des Phoenix Mercury, le Footprint Center, qui a accueilli en moyenne 9197 fans depuis le début de saison, soit la deuxième meilleure affluence.
L’audience TV, hors visibilité sur les réseaux sociaux, permet en effet de cultiver l’attractivité de l’équipe auprès du public et des partenaires. Quant au bénéfice pour les chaînes elles-même, il tient avant tout à leur modèle économique. Bien que la plupart soient de statut privé (42 sur 55, source : Arcom), leurs ressources sont largement fondées sur la collectivité (47% des chaînes déclarent une majorité de ressources publiques, source : Arcom). La diffusion de sport au féminin local couplée à une stratégie de visibilité sur les réseaux sociaux constitue ainsi l’occasion d’asseoir son empreinte d’acteur, de relais des forces locales, en renouvelant une audience et en consolidant des revenus issus d’annonceurs (+9% de produits d’exploitation entre 2021 et 2022), intéressés par la déployabilité des valeurs associées au sport féminin. Elle permet aussi de définir avec l’administration publique un contrat d’ancrage en mettant en valeur un patrimoine sportif fortement subventionné.
Pour les clubs, c’est assurer une maximisation de la visibilité auprès d’une communauté naturellement plus engagée, et des partenaires commerciaux complémentaires, en plus de favoriser le role-modeling devant les plus jeunes pratiquants.
Dans un contexte provisoire de droits de diffusion du sport au féminin relativement accessibles (pour comparaison, le Championnat de D1 Arkema est valorisé à 5,3 millions d’euros contre 800 à 900 millions d’euros pour la Ligue 1), et sur une double thématique olympique et inclusive que se disputent les marques territoriales (“Label Terres de Jeux”), le soutien au sport professionnel féminin apparaît donc comme une opportunité à saisir pour les diffuseurs locaux.