Faire rayonner sa ville grâce au sport féminin, la stratégie pionnière et exemplaire de Lyon
L’agence de développement touristique OnlyLyon a signé le mois dernier une convention de partenariat avec l’Olympique Lyonnais Féminin, reconnaissant le pouvoir de rayonnement du club pour la ville. Au-delà des résultats sportifs des clubs phares de l’agglomération lyonnaise, quelles sont les stratégies qu’a su mettre en place la Ville pour mettre en valeur son offre en sport pratiqué par et destiné aux femmes? Entretien avec Julie Nublat-Faure, adjointe au maire et déléguée au sport et aux grands événements sportifs.
L’attractivité, enjeu majeur de la « géopolitique des villes »
Souligné récemment par Lukas Aubin, auteur de « Sport Power : Nouvel atout géopolitique pour les villes françaises », l’aménagement des territoires et des politiques territoriales par l’offre sportive revêt un enjeu croissant pour les grandes agglomérations engagées dans la compétition de la mondialisation. Avec l’essor global du sport professionnel féminin, la ville de Lyon, dont la vitrine en le sujet est particulièrement brillante (l’Olympique Lyonnais détient, avec 8 victoires, le record de trophées de la Ligue des Championnes) est non seulement témoin mais aussi actrice de cette croissance. Ce que confirme Julie Nublat-Faure, pour qui « il s’agit d’un cheval de bataille d’agir en faveur du sport féminin, qui reste à l’échelle mondiale le parent pauvre du sport professionnel ». De fait, dès 2023, l’édile rappelait qu’il n’y avait plus à Lyon de clubs seulement masculins, grâce à une politique très volontaire de formation aux enjeux de la mixité et contre les VSS. Une fierté, qui permet à ce que « les femmes puissent accéder davantage au sport à Lyon ».
La stratégie de la ville à destination du sport oriente à la fois les actions publiques à destination des vitrines professionnelles que sont l’ASVEL, l’OL, le LOU, l’ASUL, et au sport amateur « la base de tout l’écosystème » comme le reconnaît justement Julie Nublat-Faure.
Côté amateur, c’est le financement d’infrastructures ouvertes, comme les îlots Kennedy ou Parilly, « des espaces éco-conçus et inclusifs résolvant les inégalités d’occupation constatées d’habitude », aménagés autour de surfaces multi-sports, principalement jeux de filet mais aussi handball, basketball » pour attirer et rassurer les sportives régulières et occasionnelles. Une réponse au constat posé par la Ville elle-même, qui observait que « les femmes constituent 33% des utilisatrices des terrains de hand, volley ou badminton, contre… 1% dans les city stades de foot », corroborant les démonstrations d’Yves Raibaud, géographe du genre, qui avait démontré que « 75 % des budgets publics consacrés aux loisirs et aux sports sont consommés par les garçons et les hommes« .
Côté professionnels, l’adjointe aux sports rappelle l’effort pionnier de la Ville, qui « dès 2020 a su rééquilibrer les achats de prestation entre clubs masculins et féminins », en insistant sur le pouvoir moteur de la Ville pour « créer les conditions du faire-venir dans les spectacles sportifs ». Citant notamment l’effort mené avec l’ASVEL Féminin, en modernisant le Palais des Sports pour remplacer la salle Mado Bonnet, avec à la clé une fréquentation supérieure de plus de 1000 spectateurs en moyenne.
L’enjeu des infrastructures, les vitrines du sport dans la ville
Ce déménagement de l’ASVEL symbolise une problématique croissante pour les métropoles et les clubs : rénover un parc d’infrastructures, 3300 installations sportives à Lyon en 2018, qui puisse être utilisé comme outil de développement, de performance et de revenus en dynamisant l’accueil du public et celui des partenaires. Ainsi, la mise à disposition événementielle du Matmut Stadium pour les féminines du LOU correspond à la volonté de la ville de faire briller les équipes féminines dans les mêmes outils que les clubs fanions masculins, sur l’exemple initié par l’OL, désormais locataire à temps du Groupama Stadium.
Néanmoins, comme le souligne Julie Nublat-Faure, « l’accompagnement de la ville sur les investissements d’infrastructures est conditionné à des objectifs sur le soutien aux académies et centres de formation », permettant un développement vertueux et pérenne de toute la pyramide du sport de haut-niveau.
Le sport féminin, une « aménité » pour les collectivités territoriales ?
Sujet de recherche, le marketing territorial s’articule majoritairement selon deux axes : l’attractivité auprès de « clients » extérieurs (touristes, entreprises, néo-habitants) et l’attachement/fidélisation auprès des concitoyens (« pride-building« ). Souvent pensée sous le prisme des événements sportifs nationaux et internationaux, la marque sportive territoriale peut-elle aussi se construire sur son activité quotidienne, et l’offre sportive qu’elle valorise vis-à-vis de ses administrés ?
Julie Nublat-Faure mesure en tout cas une certaine fierté de la part des lyonnais et lyonnaises, qui identifient la ville comme « pionnière pour le sport professionnel féminin », et observe une recomposition des publics dans les tribunes du LOU, de l’OL, de l’ASVEL ou de l’ASUL « plus familial, plus jeune », marqueur d’une attractivité et d’un engouement nouveaux et forcément précieux dans l’animation du vivre-ensemble.
Si l’adjointe aux Sports ne positionne pas nécessairement le sport féminin comme critère de choix d’emménagement sur la métropole lyonnaise, elle observe une dynamique positive dans l’engagement citoyen, avec en 2023, « 14 projets portés dans le budget participatif qui touchaient au sport, dont plusieurs concernaient les espaces non-genrés« . Un autre indicateur satisfait particulièrement Julie Nublat-Faure sur l’identité sport de la ville de Lyon : d’après les données récoltées, il y a plus de licenciées que de licenciés sur l’ensemble de l’offre sportive municipale. Une belle reconnaissance à la fois de la réussite des modèles de haut-niveau mis en valeur par la ville, mais aussi des actions réalisées dans l’aménagement du territoire et des actions envers les « petits » clubs.
Si la Ville ne voit donc pas encore le sport féminin comme une aménité réelle, Julie Nublat-Faure accepte volontiers le rôle d’exemplarité envers d’autres collectivités : « nous sommes fiers d’impulser des initiatives qui peuvent être reprises et transposées sur d’autres territoires. »