Sport féminin et infrastructures : quelles tendances pour les nouveaux équipements professionnels ?

Une tendance récente et émergente

L’inauguration en 2024 du KC Stadium, premier stade au monde dédié à une équipe féminine de football, a été l’expression la plus marquante dans le patrimoine architectural de l’expansion du sport féminin.

Conséquence logique de la croissance du sport en général, et en particulier du sport féminin (2,35 mds €, Deloitte), de nombreux clubs voient en la modernisation de leurs infrastructures le meilleur chemin pour structurer leur propre croissance. On assiste ainsi, de part et d’autre de l’Atlantique, à une multiplication intéressante des projets fonciers avec soit la construction/rénovation de stades/salles/arenas, soit celle des centres d’entraînement. Du complexe des Los Angeles Aces en WNBA inaugurés dès 2024 jusqu’au Sports Quarter de Birmingham qui accueille désormais les Panthers en netball, en passant par les interrogations sur le futur stade de l’OL Féminin, c’est une large dizaine d’infrastructures qui témoignent d’une tendance profonde dans l’écosystème sportif féminin.

* : Le stade de Kingsmeadow fait partie d’une valorisation globale récente suite à la vente des actifs de la section féminine de Chelsea FC à BlueCo 22

Portons donc la curiosité sur ce phénomène pour questionner les spécificités des infrastructures sportives à destination des équipes féminines professionnelles.

Distinction obligatoire entre USA et Europe

Dans son livre blanc sur les stades et arenas, Olivier Maillard témoigne des logiques radicalement différentes qui s’opposent aux Etats-Unis ou en Europe quant à la construction des enceintes sportives. Subordonnés à l’impératif de la fan-expérience aux Etats-Unis, les équipements européens, français notamment sont avant tout des équipements municipaux/métropolitains dont les processus de mise en chantier comme d’affectation/occupation sont souvent conflictuels.

Il s’agit donc d’être nuancés dans la capacité à transposer les recettes entrevues aux Etats-Unis, financées pour beaucoup par l’investissement privé, aux clubs et ligues françaises et européennes, où l’initiative, le financement sont majoritairement publics.

Source : Banque des Territoires, 21/02/2025

Les apprentissages des projets menés

Avec l’inauguration de plusieurs « facilities », il est désormais possible de dresser un premier constat sur l’enceinte sportive féminine à horizon 2030. Tiffany Whipple, architecte au sein du cabinet PCL, insiste sur un premier point essentiel : acter la fin du « pink it and shrink it ». Les complexes sportifs de dernière génération doivent d’abord servir les athlètes en y intégrant les résultats des recherches contemporaines sur le développement de la performance chez les sportives : équipements technologiques adaptés à la physiologie féminine, espaces de récupération dernier cri… Le cas des Panthers de Birmingham est exemplaire, le club ayant signé un partenariat d’occupation du campus de Wolverhampton pendant 3 ans, bénéficiant ainsi des avancées scientifiques en matière de suivi physiologique réalisées par les équipes de recherche de la Faculté. Tiffany Whipple a elle-même contribué à l’établissement d’un centre physiothérapique pour la franchise des San Diego Wave.

Autre élément essentiel et présent dans tous les derniers projets, la présence de crèches ou jardins d’enfants pour concilier la parentalité des sportives et leur carrière, un point capital relevé par Kara Nortman (Monarch Collective) et qui y voit une « aménité » nécessaire pour attirer et fidéliser les meilleures joueuses, à l’instar de Dominique Malonga, draftée par les Seattle Storms et qui foulera les parquets du Center for Basket Excellence lors de ses entraînements et ceux de la Climate Pledge Arena en match.

Pour Melissa Clark, du cabinet HOK, la fan-experience est également un point central dans le design des nouveaux espaces. Dans les projets qu’elle conçoit, elle intègre désormais les comportements de socialisation des fans de sport féminin, orientés sur l’enthousiasme collectif, le partage et la convivialité.

Croquis HOK, source : Sports Business Journal

Enfin, en suivant l’exemple d’Unrivaled ou de la Queens League, les nouvelles infrastructures sportives dédiées aux femmes doivent impérativement offrir des « content hubs », des espaces dédiés à la création de contenu digital qui favorisent l’interaction entre les sponsors, les athlètes et les créateurs. Women’s Sport Trust a d’ailleurs publié les résultats percutants de la viralité des contenus issus des ligues féminines.

Source : Women’s Sport Trust & Tubular Lab Intelligence – 4/4/2025

En Europe, moins de construction, plus de rénovation

En Europe, on assiste à moins de construction nette, y compris dans le cadre des compétitions majeures que sont l’Euro 2025 en Suisse ou la Coupe du Monde de Rugby 2025 en Angleterre. Jérémy Moulard, docteur en management du sport professionnel (Université de Lausanne) et consultant stade auprès de nombreux acteurs, a bien voulu adjoindre son expertise pour analyser le phénomène. Sa première réponse tient à « la disponibilité foncière moindre en France et ailleurs et la déconsidération du football féminin par rapport au football des garçons« .

L’autre point que soulève Jérémy Moulard, c’est bien sûr le poids de la décision publique. La préférence aux projets de restructuration plutôt que de construction permet en effet à la collectivité « d’éviter de longs processus administratifs de déclassement de terrain tout en bénéficiant des infrastructures d’accessibilités déjà ouvertes« . En effet, même si dans le cas de l’OL Féminin, le financement devrait être privé et opéré directement par Kynisca, les projets d’infrastructures sont d’abord supportés par la dépense publique, et selon Jérémy Moulard, « on peut faire l’hypothèse que la proportion d’argent public dans les montages financiers est d’autant plus importante sur les équipements féminins« .

Côté installations, l’expert ne constate pas de différences fondamentales dans les projets à destinations d’équipes masculines ou féminines, avec des « projets qui doivent d’abord répondre aux mêmes normes de sécurité et d’accessibilité pour le public« .

Quelle stratégie pour les futurs équipements français ?

En France, comme l’OL, plusieurs équipes sont concernées par un changement d’arène. C’est le cas du PSG, où l’équipe féminine découvrira un nouveau stade au sein du Campus, c’est le cas de l’ASVEL, qui a emménagé au Palais des Sports de Lyon après avoir quitté Mado Bonnet, ce sera le cas de l’équipe de handball de Saint-Amand-les-Eaux dès 2026, avec l’inauguration promise d’une « arena » de 4000 places, porte du Hainaut.

Financé à 92% par les collectivités, la future arena sera modulable puisqu’elle accueillera, en plus des matches de Ligue Butagaz Energie, des concerts et les principaux événements organisés par la Ville. On retrouve ainsi les marqueurs de l’interactivité sport & musique dont on constate l’essor (entre autres au Rouen Handball) mais surtout la préemption par la ville de la gestion de l’espace et de ses recettes.

Il reste donc nécessaire d’accompagner les parties prenantes dans la stratégie de création de valeur pour les clubs féminins, en permettant dès l’architecturation, de composer avec des outils adaptés au digital, à la fan-experience (food & beverage, merchandising) et enfin de branding. Afin de faire des stades de réels outils de développement pour l’écosystème sportif féminin.