Soldes en Première Ligue Arkéma – Décryptage et hypothèses
Le 4 avtil dernier, Anthony Rech, journaliste à RMC spécialiste du sport féminin, a dévoilé les mises en vente imminentes de 4 clubs de Première Ligue Arkéma : Le Havre AC, Dijon FCO, Montpellier HSC et le Stade de Reims.
Victimes collatérales de la crise des droits télé en Ligue 1, les sections féminines de ces clubs représentent des cibles d’intérêt pour les sociétés de « Private Equity » (gestion d’actifs et sociétés d’investissement). Selon les indiscrétions de la LFFP récoltées par Anthony Rech, se sont d’ailleurs déclarés pas moins de 6 candidats : 4 fonds américains et britanniques, et 2 français.
Essayons de déterminer les raisons de cet intérêt.
Un terreau de développement fertile
Pour les curieux du sport professionnel féminin, ce n’est plus une découverte, le secteur est en plein essor, valorisé à 2,35 milliards $ par Deloitte il y a quelques semaines. Soit une croissance de 25% par rapport à 2024 et une prédiction de croissance globale entre 2022 et 2024 à + 240% .
Bien que dépassé par le basketball dans les priorités des investisseurs, le football reste néanmoins un tropisme très fort pour les « PE firms » en attirant 35% des levées de fonds.
A la situation globale s’ajoute un terrain européen favorable:
- un Euro 2025 qui présente la plus importante compétitivité sportive des compétitions internationales (5 nations UEFA dans le top 10 mondial)
- une hausse des affluences généralisée
- La création dès la saison 25/26 d’une seconde compétition de clubs, l’UEFA Women’s Europa Cup, a été pensée pour « permettre à davantage de clubs de concourir en Europe et inciter davantage à investir au niveau national. » (source : uefa.com)
- Une croissance économique des locomotives (top 15) du football européen (+ 6% CA) et globale, notamment à travers les droits TV
- Un ticket d’entrée encore accessible, mais en hausse
- Enfin, un cadre d’investissement politique plus stable
A ces facteurs clés de succès s’ajoute le contexte français, dont on peut mesurer les opportunités, avec des actifs disponibles aux valorisations très accessibles.
Enfin, le vivier de formation très fertile de talents propice au trading ou aux plus-values dans un marché des transferts en hausse, un public de mieux en mieux acculturé au spectacle sportif, y compris féminin, après la vague JO 2024. Autant d’ingrédients qui aiguisent l’appétit des investisseurs reconnus.
Qui sont les investisseurs ?
Parmi les fonds de gestion particulièrement actifs sur le secteur du sport-business féminin, on reconnaîtra essentiellement 9 candidats :
- Sphera Partners
- Mercury/13
- Tipt Ventures
- Atwater Capital
- Monarch Collective
- Sixth Street / Bay Collective
- Ariel Investments, via Project Level
- 125 Ventures
Acteurs aux stratégies variées, ces fonds présentent des objectifs différents sur le degré d’implication, la durée avant sortie de board, le lien tissé avec les directions sportives, l’ouverture au MCO et enfin le rapport aux actions sociétales. Enfin, on peut distinguer les portfolio d’investissements selon leur spécialisation au sport-business féminin ou des gestions plus diluées.
Ces « PE firms » ne présentent donc ni les mêmes objectifs, ni les mêmes compétences. Or c’est au prisme de leurs compétences que l’on peut commencer à tracer des hypothèses sur les candidats probables, en partie grâce à la matrice de Hamel & Prahalad (1991) sur les « competencies » :
Le jeu des hypothèses : quel investisseur pour quel club ?
Stade de Reims x Mercury/13
Mercury/13, fondé par Victoire Cogevina Reynal, est un fonds dedié à la multipropriété dans le football féminin. Déjà propriétaire du FC Como Women, le groupe développe une vision stratégique autour des axes « branding », commercial et territorial en promouvant le football pour les fans et les acteurs locaux. Alors que Como Women avait affronté l’Olympique de Marseille il y a quelques semaines, l’intérêt de Mercury/13 pour renforcer son portefeuille de clubs en France pourrait tout à fait se concrétiser avec le Stade de Reims.
A Reims en effet, Mercury/13 trouvera comme à Côme un territoire d’élégance avec la Champagne et ses vignobles et grandes maisons. Côté histoire, le Stade de Reims, tant chez les garçons que chez les filles, représente le patrimoine du football français autour des noms de Kopa chez les hommes et Nicole Abar, Elisabeth Loisel, et surtout Marilyse Lesieur, Ghislaine Royer-Souef, toutes membres de la première Equipe de France en 1971. Un patrimoine (« matrimoine« ) qui intéressera forcément Mercury/13, particulièrement efficace dans les transformations de storytelling.
Côté sportif, Mercury/13 pourra s’appuyer sur une équipe qui a été capable de se hisser à la 4ème place de D1 Arkéma la saison dernière et d’éliminer le géant lyonnais en Coupe de France cette année. Une équipe qui bénéficie d’un bon travail de scouting, puisque c’est sous les couleurs rémoises que s’était révélée notamment Melchie Dumornay, internationale haïtienne. Une compétence fondamentale pour intégrer un groupe en MCO. Enfin, sur le plan des infrastructures, la section féminine bénéficie d’une installation dédiée ultra récente (inaugurée en 2022), mais n’a pas de stade dédié, partageant le terrain Louis Blériot au centre de vie du club.
Le Havre AC x SLAM-Trail
Exception par rapport à la liste des prétendants anglo-saxons, SLAM-Trail est un fonds français, investissant « à l’intersection du sport, du luxe, de l’art et de la musique pour en faire des champions mondiaux ». Fondé par Xavier Marin en 2007, le fonds compte parmi ses partenaires Raphaël Varane et Nathalie Boy de la Tour, ancienne présidente de la LFP.
Le fonds pourrait trouver au Havre AC une structure ambitieuse, formatrice (8 joueuses appelées en sélections nationales sur la trêve d’avril 2025) et évoluant régulièrement dans l’écrin moderne du stade Océane, où elles attirent en moyenne plus de 1 200 supporters depuis le début de saison, un chiffre proche de la moyenne nationale (1 495) malgré le statut de promu. De plus, dans la logique d’intersection, de « ponts » avec la culture, SLAM s’engagerait avec sa potentielle capitale européenne 2035, réputée déjà pour le bouillonnement de sa scène artistique.
Montpellier HSC x Monarch Collective
Monarch Collective est, avec Sixth Street, le principal fonds d’actifs opérant sur le sport féminin. Avec un portefeuille valorisé à 250 M$, Monarch est un poids lourd, actionnaire du Angel City FC, des San Diego Waves, Boston Legacy et qui s’intéresse de près à Chelsea Women… alors pourquoi Montpellier ?
Car Montpellier a été longtemps la locomotive du football féminin français, multiple champion de France et formateur entre autres de Sonia Bompastor et Camille Abily, manager et assistante de Chelsea. Avec un club au « matrimoine » aussi riche, et une formation toujours fertile, et malgré la valorisation la plus forte des 4 clubs cités (945 k€ selon @soccerdonna), Monarch pourrait trouver un ancrage avec actionnariat principal où développer les leviers dans les stratégies de trading joueuses notamment. Le fonds américain pourrait enfin bien reconnaître des synergies avec les autres équipes féminines d’élite de la ville: Basket Lattes-Montpellier, Montpellier Rugby Féminin… représentantes de disciplines à très forte croissance outre-Atlantique.
Dijon FCO x Sphera Partners
Sphera a été relié à un précédent projet de rachat: celui avorté de la section féminine des Girondins de Bordeaux. Malgré cet échec, le fonds londonien pourrait bien trouver son bonheur dans d’autres vignobles, en Bourgogne, au DFCO. En effet, le club de la Côte d’Or présente le même profil que les Girondines avant leurs relégations administratives puisque les Dijonnaises, 4èmes en Première Ligue, maximisent les ressources d’un effectif pas annoncé favori en début de saison,
Sur le plan économique, le DFCO féminin est un actif très abordable (780 k€), convenant d’autant plus à Sphera qui présente une surface financière moins vaste que ses concurrents américains. Quant à l’impact territorial, élément sur lequel le fonds créé par Nicki Boyd est très investi, il résonnera d’autant plus facilement étant donné l’identité sportive de Nathalie Koenders, maire de Dijon, représentante de l’association France Urbaine, et ex-kayakiste internationale (1992-2001).
Tout ceci ne reste que des hypothèses très fictives, il faudra suivre les évolutions avec curiosité pour les décrypter finement.