L’équipe féminine du PSG, une ambition renouvelée 

Cet été, la section féminine du PSG a connu une mue en profondeur de son effectif et du staff technique, dans le but d’entamer un nouveau cycle sportif après des épopées domestique et européenne récompensées par une finale et une demi-finale (contre le même rival lyonnais dans les deux compétitions). Alors que la Ligue Féminine de Football Professionnel redéfinit le modèle de gouvernance des clubs de Première Ligue Arkéma, et que la concurrence parisienne s’intensifie avec l’investissement annoncé de la famille Arnault au Paris FC, quelles sont les ambitions du Paris-Saint-Germain pour sa section féminine ? Quelle vision est portée pour le développement du club ? Perspective de réponses grâce à Michelle Gilbert, Chief Communication Officer des Rouge-et-Bleu.

Source : psg.fr – avec l’aimable autorisation du club

Attirer et fédérer le public lors des matches

Le rapport publié par Two Circles cet été montre que l’ex D1 Arkéma progresse en termes d’affluence, avec une hausse effective de 39% à 1317 spectateurs. Le PSG est évidemment une locomotive de cette progression, jouissant d’une moyenne à 2 255 spectateurs en 22/23 (+ 136% par rapport à la moyenne de D1) et une présence centrale parmi les plus hautes affluences du football féminin français de clubs, dont 7 affiches dans le 10. A la mi-saison 23/24, les moyennes détaillées club par club plaçaient de fait le PSG en tête, grâce à l’affrontement au Parc des Princes contre l’Olympique Lyonnais, qui avait attiré 15 899 supporters.

Cette saison, depuis l’inauguration du Campus PSG, le nouveau centre d’entrainement de toutes les sections du football du Paris Saint-Germain, l’équipe féminine joue ses matches à Poissy, et l’affluence reste modeste (554 spectateurs en moyenne sur la Première Ligue). Pour Michelle Gilbert, qui aimerait voir plus une plus forte médiatisation de sport au féminin afin de drainer plus de spectateurs dans les tribunes, « ce n’est cependant qu’une étape et le prochain développement pour Poissy, c’est dédié au féminin. Nous réfléchissons actuellement à comment agrandir nos capacités du stade à Poissy en fonction aussi des directives impulsées par l’UEFA. Nous nous imposons progressivement le fait d’être sold-out à Poissy« . Un plan de développement au centre d’entraînement pour les matches réguliers, et en parallèle la continuation des grands matchs, catégorisés comme « premium » au Parc des Princes, dont le prochain dès le 18 janvier avec la réception de Lyon lors de l’événement « Paris est une fête »

Source : psg.fr

Un rendez-vous fixé comme héritage de l’enthousiasme vécu pendant les Jeux Olympiques et qu’aborde Michelle Gilbert avec fierté : « on teste quelque chose de complètement nouveau, sur le plan d’action marketing, notre manière de communiquer sur ce match, on dit que Paris est une fête et que le football féminin, c’est un festival! »

On dit que Paris est une fête et que le football féminin, c’est un festival!

Le club mise beaucoup sur la valeur de proximité et l’image de fête en ciblant directement le public jeune, segment stratégique du sport au féminin. Prenant avantage d’un lieu « mythique », le PSG veut attirer étudiants et publics festifs autour « de DJs, d’une mix party », Une volonté de séduire en « cassant les codes » qui sied bien au narratif du sport féminin vis-à-vis de la « Gen Z » tout en challengeant l’image du PSG.

Les réseaux sociaux : terrain d’enjeu pour le sport au féminin

Une « Gen Z » qui compte surtout sur les réseaux sociaux, coeur de bataille de la visibilité des marques clubs. Un enjeu que connaît bien la Chief Communication Officer du PSG, ex-cadre de Facebook puis Instagram, et qui se révèle encore plus stratégique pour le sport professionnel féminin.

En effet, les sportives engagent 2 fois plus leur audience que les sportifs, alors même que cette audience démontre 45% de taux de conversion supplémentaire vers les sponsors que les fans de sport masculin. Les différents rapports produits démontrent enfin un pouvoir d’achat plus important parmi les communautés de fans de sport féminin, puisque 30% ont un revenu brut supérieur à 100 000 $ (contre 18% dans le sport masculin).

Le PSG a bien compris cet enjeu et a investi Instagram et Tik-Tok depuis de nombreuses années. Pourtant, à la différence des clubs anglais et de son principal concurrent national, seul Instagram fait l’objet d’un compte séparé pour les féminines, avec un grand succès puisque le compte @psg_feminines affiche 1,3 millions de followers, le plus haut total de Première Ligue.

Alors que les appels à l' »unbundling » se multiplient, le PSG n’a pas encore fait le choix de séparer les comptes de ses sections sur Tik-Tok, mais la réflexion semble très avancée pour une prochaine dissociation, à condition de trouver le bon contenu, de ne pas seulement faire un « copy-paste » de ce qui fonctionne sur les garçons et d’apporter l’authenticité recherchée sur la plateforme, « à l’image de Sakina Karchaoui, Grace Geyoro ou Elisa De Almeida, qui sont suivies, qui donnent leur coeur à chaque match, qui sont adorées, et représentent une inspiration pour toutes. » Et aussi en suivant les inspirations de Mary Earps, 1,2 millions de followers sur la plateforme et qui entraîne le vestiaire et le club dans le sillage d’une co-construction des contenus digitaux entre les joueuses et les équipes de communication.

L’arrivée estivale de Mary Earps doit-elle d’ailleurs être comparée à la signature d’Ilona Maher au Bristol Rugby, dans cette perspective de gagner en audience sur les communautés digitales? Si Michelle Gilbert reconnaît cet apport, il est exclu de considérer tout mouvement de l’effectif sur le seul apport marketing, et que le PSG se doit avant tout d’être cohérent sportivement, dans un contexte de transferts plus difficile pour le championnat de France. L’arrivée de la gardienne internationale anglaise est à ce titre une plus-value indéniable, tout en apposant une valeur répétée d’empowerment et de leadership.

La stratégie partenariale : promouvoir l’empowerment

En effet, l’empowerment féminin est un levier puissant pour activer les partenariats sponsoring. Ayant construit une équipe commerciale exclusive à la section féminine, le PSG a pu voir les premiers résultats autour d’un discours porté sur le leadership féminin en entreprise, en développant des activations remarquées avec Deloitte ou Amos dans des deals spécifiques à l’équipe féminine. « Je suis très fière de voir nos joueuses participer à des « meet & greet » chez Deloitte, et encore plus de constater qu’il y avait plus d’hommes que de femmes, ça montre que l’on dépasse des clivages sport masculins contre sport féminin, et ça m’a amusée de voir les salariés jouer au baby-foot contre Lieke, Sakina, Grace et Elisa » nous confie d’ailleurs Michelle Gilbert, dont l’intégration dans le monde professionnel en France a été marqué par l’absence de conciliation avec son identité de sportive et la perception genrée des femmes en entreprise.

« Ça m’a amusée de voir les salariés jouer au baby-foot contre Lieke, Sakina, Grace et Elisa » – Michelle Gilbert, CCO

C’est pourquoi les activations menées avec les partenaires de l’équipe féminine, ainsi que les partenaires globaux mixtes comme American Express qui a étendu son partenariat à l’équipe féminine cet été sont pour le club une manière de promouvoir des valeurs fortes de représentativité et de role-modelling.

La famille Arnault, Red Bull et le PFC, vers une nouvelle rivalité à Paris ?

Alors que le PFC s’affirmait déjà comme une place forte du football féminin français, l’investissement conjoint de la famille Arnault et de Red Bull peut-elle contrarier le leadership parisien sur la scène féminine francilienne ? Une perspective qui n’est pas partagée par Michelle Gilbert, qui insiste sur la sororité dans un écosystème encore en cours de maturation : « Ça donne un dynamisme incroyable, de toute façon il n’y a que des amitiés dans le football féminin. Il faut parler de sororité. Je pense à tout le football, et c’est toujours intéressant d’avoir des acteurs qui arrivent et même si sur le terrain, on doit être des rivales, aujourd’hui, le football féminin doit travailler ensemble, pour qu’on puisse faire grandir le sport au féminin et amener une attractivité, une nouvelle audience autour de nos valeurs à toutes.« 

Une manière de saluer le travail de la récente LFFP, et d’une notion de « co-opétition » qui s’installe de plus en plus dans le sport professionnel, à l’instar des ligues fermées américaines et des sociétés commerciales qui régissent les championnats domestiques européens (Lardo, Alessandra & Trequattrini, Raffaele & Lombardi, Rosa & Russo, Giuseppe. (2016). Co-opetition models for governing professional football. Journal of Innovation and Entrepreneurship)